Novembre 2022
Chez les personnes âgées, l’équilibre alimentaire est un enjeu prioritaire pour vieillir en bonne santé. Malheureusement, cet équilibre peut être menacé par des facteurs liés au vieillissement qui impactent le rapport à l’alimentation. Pour aider les seniors à maintenir une alimentation adaptée, les spécialistes s’accordent sur un levier déterminant : le plaisir alimentaire. Décryptage en cinq points clés.
1. Associer l’alimentation à l’activité physique
La France compte plus de 13,4 millions de personnes âgées de 65 ans ou plus, soit 20 % de la population (source INSEE). La proportion, en hausse constante, devrait même dépasser le quart des habitants à l’horizon 2040. Dans ce contexte de vieillissement de la population, la société a affiné la notion de « bien vieillir » en y associant l’enjeu de « vieillir en bonne santé », qui est entré de plain-pied dans les politiques de santé publique.
Des études menées dans le cadre du Programme National Nutrition et Santé (PNNS) ont montré que la capacité à vieillir en bonne santé repose sur deux éléments déterminants : l’alimentation et l’activité physique. Il est ainsi prouvé que le fait d’adhérer aux recommandations alimentaires et d’activité physique du PNNS (au moins 30 mn par jour) augmente la probabilité d’un vieillissement en bonne santé. (Voir notre « Brève nutrition » à ce sujet)
2. Adopter des bonnes habitudes dès le passage à la retraite
Chez les « jeunes seniors », le premier défi se présente lors du passage à la retraite professionnelle. Les changements de vie (rythmes quotidiens, temps libre, baisse de revenu…) s’accompagnent généralement de modifications des habitudes alimentaires, parfois dans un sens bénéfique, parfois vers une alimentation moins saine. Par exemple, l’ennui ou la sensation de désœuvrement peuvent inciter certaines personnes au grignotage intempestif.
À l’inverse, le passage au statut de retraité peut être une fenêtre d’opportunité pour corriger certains comportements alimentaires défavorables. De récentes études l’ont confirmé : l’entrée dans une nouvelle vie peut être l’occasion d’adopter une nouvelle relation à l’alimentation. C’est pourquoi de plus en plus de spécialistes appellent à intégrer cette période clé dans les politiques nutritionnelles. Par exemple, via des dispositifs d’accompagnement dédiés comprenant, dans la mesure du possible, des conseils personnalisés afin de prendre en compte la vaste hétérogénéité des profils et des situations.
3. Limiter les impacts du vieillissement
Lorsqu’on avance en âge, il est recommandé d’augmenter légèrement l’activité physique tout en maintenant les quantités alimentaires habituellement consommées. Toutefois, les personnes âgées peuvent être confrontées à des problèmes fonctionnels, physiologiques ou socioéconomiques qui deviennent des freins, tant au niveau de la dépense énergétique que de l’alimentation.
Les modifications du métabolisme, le déclin cognitif, les troubles du goût et de l’odorat, l’état bucco-dentaire, la fragilité des revenus ou encore l’isolement social,sont fréquemment cités comme les principaux facteurs susceptibles d’altérer la possibilité d’avoir une alimentation de qualité et en quantités suffisantes, primordiale pour satisfaire leurs apports en nutriments, notamment en protéines.
Plus la personne est âgée, plus ces facteurs peuvent s’accentuer et/ou se conjuguer avec le risque de conduire à un état de dénutrition qui se traduit par une dégradation de l’état général : perte de masse musculaire, déficience immunitaire, troubles de la marche… Pour limiter les impacts du vieillissement sur l’alimentation, les spécialistes mettent en avant un moyen simple et efficace : le plaisir alimentaire.
4. Cultiver le plaisir de manger
Il est scientifiquement reconnu que la dimension du plaisir alimentaire est un facteur essentiel pour garantir des apports adéquats mais aussi pour assurer le rôle social et émotionnel de l’alimentation. De fait, la diminution des perceptions olfactives et gustatives et l’isolement social sont les principales menaces qui, dans le grand âge, pèsent sur le rapport à l’alimentation.
Contrairement à la vue et à l’audition, les pertes olfactives ne peuvent être compensées médicalement. Pour maintenir les sensations perçues lors de la consommation alimentaire, il est recommandé de maximiser les flaveurs des aliments, par exemple avec des épices : poivre, gingembre, piment… La stimulation des autres sens est aussi un atout. Les bruits de cuisine ou de cuisson, le toucher velouté d’un fruit ou la chaleur d’une tasse de café, le décor et la lumière, la présentation de l’assiette sont tout aussi importants pour faire du repas une expérience plaisante.
Comme l’explique le médecin-nutritionniste Patrick Serog, co-auteur de l’ouvrage Bien manger, bien vivre et bien vieillir ! (Éd. In Press), « retrouver le plaisir de manger implique beaucoup de conditions. Outre la stimulation des sens, on peut faire appel à des recettes particulièrement appréciées : ce sont souvent celles qui font partie de l’histoire familiale, que la personne aura transmises et partagées, et qu’elle aura plaisir à retrouver. Les repas partagés sont également un rituel qu’il est très important de préserver car la fonction sociale de l’alimentation est indissociable de l’envie de manger. Là encore, les proches ont un rôle décisif à jouer. »
À défaut d’entourage familial ou amical, le plaisir du repas partagé peut aussi être entretenu grâce à des actions mises en place par des associations ou des acteurs privés de la silver économie : clubs de déjeuners, goûters partagés, ateliers cuisine ou pâtisserie…. Dans les établissements de santé, la présence d’accompagnants qui animent le repas et aident la personne à s’alimenter porte également ses fruits.
5. Préserver la place des sucres dans l’alimentation
Le sucre – et plus largement les sucres – occupent une fonction spécifique chez les plus âgés. Si, au plan quantitatif, les recommandations d’apports quotidiens en sucres sont les mêmes que pour les plus jeunes adultes, ils revêtent chez les seniors une importance particulière en raison du rôle qu’ils jouent dans le plaisir alimentaire. « Bien qu’on n’en connaissent pas les causes exactes, l’appétence pour le sucré est incontestablement plus marquée quand on avance en âge, observe le docteur Serog. Le goût sucré leur procure du plaisir, mais j’ai aussi constaté qu’il peut s’accompagner chez les patients d’une sensation d’apaisement vis-à-vis du stress ou de l’inquiétude liés au fait de vieillir. »
Le plaisir alimentaire peut être maintenu dans de multiples occasions. À travers le dessert, dont la touche de douceur attendue contribue à l’attractivité du repas, et bien sûr avec le petit déjeuner et le goûter qui sont des petits repas glucidiques par nature. Le sucre est ainsi un ingrédient clé des collations qui contribuent aux apports nutritionnels des seniors, notamment à partir de 80 ans. Une étude suédoise a récemment montré que les produits froids et sucrés avaient la préférence des personnes interrogées : la glace à la vanille arrive ainsi en tête des collations plébiscitées.
Il existe également des aliments enrichis, appelés « compléments nutritionnels oraux » (CNO) qui sont proposés aux personnes les plus exposées au risque de dénutrition. Là encore, des études ont montré que les glucides, et tout particulièrement le sucre, jouent un rôle clé. Une saveur sucrée affirmée favorise l’appétence pour le produit. De plus, le sucre permet d’atténuer l’amertume et l’acidité procurées par la forte densité en nutriments (protéines, vitamines, minéraux).
Enfin, au-delà des compléments alimentaires, les sucres sont utiles à l’alimentation des séniors pour apporter des textures agréables en bouche. Les sucres constituant une source d’énergie pouvant être facilement assimilée, ils permettent notamment à l’organisme de limiter l’utilisation des réserves de protéines et de lipides indispensables au maintien des muscles et des tissus. Autant de contributions qui font du « sucré » un véritable allié pour maintenir chez les seniors un état nutritionnel favorable, synonyme d’une vie en bonne santé et la plus longue possible.