Octobre 2023
Depuis des siècles, quatre saveurs sont constamment citées dans de multiples cultures : le sucré, le salé, l’acide, et l’amer. Mais ces dernières années, les progrès de la biologie moléculaire et la découverte de nouveaux récepteurs gustatifs ont élargi la palette de ces quatre saveurs pour en ajouter de potentielles nouvelles. Une équipe australienne propose un aperçu des dernières découvertes et théories en la matière.
Umami, kokumi, saveur du gras et des glucides
Au début des années 2000, la saveur umami (décrite comme savoureuse, stimulée par le L-glutamate) et plus récemment, le ‘goût du gras’, ont été ajoutés à la liste des saveurs primaires, sur la base de la découverte de récepteurs spécifiques. Par la suite, il semble probable que seront découverts des récepteurs qui répondent à d'autres stimuli gustatifs, tels que les peptides γ-glutamyl (responsables de la saveur kokumi présente dans les légumineuses, certains fromages et les aliments fermentés, décrite comme une sensation de richesse et plénitude), ou encore les oligosaccharides (porteurs du ‘goût des glucides’, voir notre brève à ce sujet). Ainsi, aux quatre saveurs de base (sucré, acide, salé et amer) qui s’imposent comme une classe à part, s’ajoute(ro)nt de nouvelles saveurs qui devraient être considérées comme un nouveau sous-groupe de saveurs.
Les saveurs des macronutriments
Un angle intéressant abordé par les auteurs : le lien entre ces nouvelles saveurs et les apports en macronutriments. Selon les chercheurs, chaque macronutriment possèderait des caractéristiques distinctes qui (en synergie ?) participeraient à fournir une perception globale de celui-ci : les lipides génèrent à la fois un ‘goût de gras’ et une sensation de gras en bouche ; les protéines contiennent des composants responsables des perceptions de l'umami et du kokumi ; les glucides ont une saveur (plus ou moins) sucrée et potentiellement un ‘goût de glucides’.
Ces saveurs peuvent certes être ressenties en bouche (où elles ont en général été étudiées en première intention), mais également au niveau du tube digestif (voir Figure). Il existe par exemple deux mécanismes de détection des graisses, l’un en bouche (qualité texturale liée au triacylglycérol) et l’autre dans le tube digestif (via des récepteurs dédiés à la détection des acides gras), qui se complèteraient pour fournir une perception sensorielle complète des lipides. De même, des données suggèrent que des récepteurs umami et kokumi existent également dans le système digestif, leur stimulation conduisant à la libération d'hormones digestives qui joueraient un rôle dans la modulation de la digestion, de la satiété, de l'appétit et de la prise alimentaire.
Reprise de : Depoortere, I. Taste receptors of the gut: Emerging roles in health and disease. Gut 2014, 63, 179–190.
Un goût des glucides indépendant de la saveur sucrée ?
En ce qui concerne les glucides, autant la recherche sur la saveur sucrée s’avère très avancée, autant celle sur la sensibilité au ‘goût des glucides’ n’en est qu’à ses balbutiements. D’autant que la famille des glucides regroupe des réalités bien différentes en termes de structure chimique (mono/disaccharides, oligosaccharides et polysaccharides), d’énergie (certains glucides fournissent de l'énergie, tandis que d'autres ne peuvent pas être métabolisés et sont classés comme fibres alimentaires) ou de solubilité (certains glucides sont solubles dans l’eau et d'autres non). Néanmoins, selon de premiers résultats, la sensibilité aux glucides simples (saveur sucrée) serait indépendante de celle aux glucides complexes (‘goût des glucides’), laissant deviner des voies de transduction gustative [1] qui répondent à la maltodextrine (oligosaccharide soluble) indépendantes de celles de la saveur sucrée (mono/disaccharides).
[1] Transformation du signal chimique de la saveur en un signal électrique
Liens d’intérêt : RAS.
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