Comment Paris est devenue la capitale mondiale de la gastronomie

Au fil des siècles et des innovations, Paris s’est hissée au statut de phare de la gastronomie, éclairant encore aujourd’hui la scène culinaire mondiale. L’exposition « Paris, capitale de la gastronomie du Moyen Âge à nos jours », présente à la Conciergerie de Paris jusqu’au 16 juillet 2023, raconte cette histoire riche et féconde où le sucré occupe une place de choix.

Les trésors agricoles et gourmands de l’Île-de-France

« Que serait Paris sans ses légendaires créations pâtissières et boulangères ? » C’est l’un des constats historiques sur lesquels l’exposition Paris, capitale de la gastronomie du Moyen Âge à nos jours [1] attire l’attention du visiteur, n’hésitant pas à qualifier Paris « d’indétrônable capitale du sucre et de la boulangerie. » Il est vrai que la ville et le Bassin parisien peuvent se prévaloir d’avoir vu naître bon nombre de spécialités. La célèbre baguette de pain bien sûr, mais aussi le croissant, le Millefeuille, le Macaron, l’Opéra, le Paris-Brest… On y ajoutera des friandises comme les Sucres d’orge de Moret-sur-Loing, les Coquelicots de Nemours ou les Praslines de Montargis, sans oublier les produits issus des biscuiteries artisanales et industrielles locales.

L’exposition présente les spécialités régionales à travers une riche iconographie et dans un décor d’épicerie qui, selon les commissaires, a été recréé afin de « donner à voir et à sentir les productions franciliennes du champ à l’assiette. » Le terroir d’Île-de-France forme ainsi « une véritable ceinture de trésors agricoles », avec ses vergers, ses maraîchers, ses élevages laitiers, ses cultures céréalières (réputées pour la qualité du blé tendre panifiable), ses champs de betteraves sucrières et sa production de sucre, sachant que deux sucreries familiales sont toujours en activité en Seine-et-Marne, à Nangis (Sucrerie Lesaffre) et à Souppes-sur-Loing (Sucrerie-Distillerie Ouvré Fils).

Le règne du pâtissier parisien

La mise à profit de ces ressources commence dès le Moyen Âge où émerge le métier de pâtissier. S’il doit son nom aux plats à base de pâte (viandes et poissons en croûte, tourtes, pâtés), le pâtissier intègre progressivement d’autres ingrédients (lait, crème, œufs, fruits, miel) pour confectionner des mets sucrés que les Parisiens achètent aux marchands ambulants ou dans des boutiques spécialisées. Au 18e siècle, la note sucrée de fin de repas (entremets, tarte, beignet, biscuit, confiture…) commence à s’imposer comme une séquence alimentaire à part entière chez les classes sociales favorisées. Mais c’est véritablement au 19e siècle que la maîtrise du travail du sucre encourage l’avènement de l’art pâtissier parisien.

Antonin Carême en est sans conteste la figure tutélaire. Passé à la postérité avec le surnom de « roi des chefs et chef des rois », il est le premier homme de bouche à endosser le titre de chef. Dans les années 1810, ses pièces montées font courir le tout-Paris et son inventivité sans limite lui assure dans toute l’Europe une renommée qui profitera durablement à la pâtisserie française. Il est à l’origine d’une incroyable lignée de personnalités dont les noms sont inscrits et continuent à s’inscrire au Panthéon de la profession, depuis Auguste Chiboust, qui inventa en 1840 la crème éponyme pour créer le Saint-Honoré, et Gaston Lenôtre qui, un siècle plus tard, réinventera à son tour la pâtisserie.

Paris invente le restaurant et le menu à la carte

Alors que la pâtisserie prend une place de plus en plus importante dans la gastronomie parisienne, son empreinte ne se limite pas aux boutiques et salons de thé où se presse une clientèle aisée. Elle s’invite aussi à la table du restaurant, une invention déterminante pour le devenir gastronomique de la capitale. Apparu à la fin du 18e siècle, le restaurant est tout d’abord un écrin cossu réservé aux aristocrates qui en savourent le décor, la vaisselle et le service raffinés. La carte indiquant les plats disponibles et leur prix constitue une innovation majeure qui restera la marque du restaurant, y compris lorsque le concept se démocratise, dans la seconde moitié du 19e siècle.

Bouillons, bistrots, brasseries : une nouvelle catégorie d’établissements plus populaires prend son essor, alléchant le client avec une offre large de plats qui deviendront typiques des enseignes qui se multiplient le long des Grands Boulevards. Le bœuf bourguignon, la sauce béarnaise et la sole normande y sont inventés (contrairement à ce que laisse croire leur nom provincial), et la carte des desserts prend ses marques : crème aux œufs, tarte tatin, gâteau au chocolat… Le fameux trio « œuf mayonnaise, blanquette de veau, île flottante » devient l’emblème du repas de bistrot.

Vie sociale et diplomatie internationale

Le restaurant induit une révolution sociale et culturelle. Ainsi que le souligne le journaliste gastronomique et commissaire de l’exposition François-Régis Gaudry, « la fonction de la table va bien au-delà de sa vocation nourricière. Elle est un lieu majeur de sociabilité, de rencontres artistiques et de débats politiques, celui aussi où se mêle le peuple. » Un véritable creuset qui aujourd’hui « brasse les catégories sociales, assimile les influences venues d’ailleurs et inspire le monde entier. » De l’avis de ce spécialiste, il est en effet indéniable que « pour les visiteurs étrangers, le restaurant a été une façon de développer l’aura gastronomique de la capitale. »

Une aura internationale qui passe aussi par les repas d’État que les gouvernants offrent à leurs hôtes. Cette tradition associant centre du pouvoir et haut lieu de gastronomie est un levier à part entière de la diplomatie française qui remonte au Moyen Âge. L’initiateur en fut le roi Charles V qui, en 1378, honora l’empereur romain germanique Charles VI d’un splendide banquet pour lequel a officié le maître cuisinier Taillevent, considéré comme le fondateur de la cuisine gastronomique à la française. On y servit notamment des figues farcies recouverte d’une feuille d’or. Une recette sans doute peu digeste mais prémonitoire de l’avenir doré dans lequel s’engageait la gastronomie parisienne.

1. Musée national de la Conciergerie de Paris, du 13 avril au 16 juillet 2023.
2. Source : Paris capitale mondiale de la gastronomie, dossier de presse, avril 2023.

L’Histoire passe à table
  • 6 janvier 1378. Banquet offert par Charles V à l’empereur Charles VI (Conciergerie).
  • 1486. Un éditeur parisien diffuse la première édition imprimée du Viandier, livre de recettes fondateur écrit par Guillaume Tirel, dit Taillevent, un siècle auparavant.
  • 19 juin 1549. Festin offert par la Municipalité parisienne à Catherine de Médicis (Hôtel de Ville).
  • 2 janvier 1812. Napoléon 1er visite la première sucrerie de sucre de betterave en France, créée par le botaniste Benjamin Delessert à Passy. Il offre sa légion d’honneur à l’inventeur et signe symboliquement l’acte de naissance de la filière betterave-sucre française.
  • 1815. Marie-Antoine Carême publie Le pâtissier royal parisien, premier traité des techniques et pratiques en pâtisserie.
  • 22 septembre 1900. Banquet des Maires de France à l’occasion de l’Exposition universelle.
  • 1906. Première recette attestée du Croissant parisien.
  • 1er juin 1961. Charles de Gaulle reçoit Jackie et John Kennedy à Versailles. Il fait réduire le temps imparti aux dîners d’État et réduire le nombre de plats à cinq.
  • 25 février 1975. Paul Bocuse présente à Valéry Giscard d’Estaing la « soupe VGE », aux truffes noires et gratinée, qui deviendra un grand classique des cuisines de l’Élysée.
  • 6 juin 2014. Pour commémorer les 70 ans du Débarquement, François Hollande offre un dîner d’État royal à la Reine Élisabeth II.
  • 30 novembre 2015. 147 chefs d’État et de Gouvernement sont réunis pour un dîner de prestige dans le cadre de la COP21 (Le Bourget).

Crédit photo header : Par Jean Béraud – La pâtisserie Gloppe (1889)

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