Juillet 2025Préférence pour une saveur sucrée intense, modérée, faible… différents profils d’appréciation de la saveur sucrée ont été décrits dans la littérature (Figure). Toutefois, les proportions d’individus dans chaque profil sont hautement variables d’une étude à l’autre, de même que les méthodes de classification des individus. Pour y voir plus clair, des chercheurs américains ont ainsi comparé, pour un même échantillon de sujets, les résultats de trois types de méthodes de classification des profils d’appréciation de la saveur sucrée.
Figure : Les trois phénotypes « canoniques » d’appréciation de la saveur sucrée.
Trois méthodes explorées
Pour cela, ils ont demandé à 92 adultes de goûter 5 solutions variant par leur concentration de saccharose (de 0,125 mol/L à 1,0 mol/L) présentées dans un ordre aléatoire. Dans un second test, les participants devaient simplement goûter une solution unique de saccharose, à la concentration de 1 mol/L. Pour chaque solution goûtée, il était demandé aux participants de noter leur appréciation sur une échelle analogue visuelle (allant de -50 pour n’aime pas du tout à + 50 pour apprécie énormément).
Ces données étaient ensuite utilisées pour déterminer le profil d’appréciation du sucré des participants selon trois méthodes.
- La méthode rapide utilise la note unique attribuée lors du test de la solution de saccharose à la concentration de 1 mol/L : les sujets attribuant une note supérieure à +15 étaient classés comme amateurs de saveurs sucrées ; ceux attribuant une note inférieure à -15 comme non amateurs ; et les autres comme amateurs de saveurs sucrées intermédiaires ;
- La méthode de classification HCA (pour hierarchical cluster analysis) repose sur des regroupements statistiques des individus selon leur similarité de réponses lors du test des 5 solutions ;
- La méthode de la pente – développée par les chercheurs pour la présente étude – considère la pente de la droite représentant l’appréciation du sucré (ordonnée) en fonction de la concentration en saccharose (abscisse) : si elle est supérieure à 15, les participants sont classés comme amateurs de sucré : si elle est inférieure à -15, ils sont classés comme non amateurs ; et comme amateurs non classifiés si la pente est entre -15 et +15 (voir Figure).
Figure : Exemple de classification des individus selon la méthode de la pente.
Les sujets sont classés selon la pente de la courbe représentant leur appréciation de la saveur sucrée (en ordonnée) en fonction de la concentration de saccharose (en abscisse). Amateurs de sucré (en vert) : pente positive supérieure à + 15 ; Non amateurs de sucré (en rouge) : pente négative inférieure à -15 ; Non classés (en bleu) : pente comprise entre -15 et +15.
La classification des individus dépend de la méthode
Parmi les principaux résultats, les chercheurs pointent d’abord les limites majeures de la méthode de classification HCA, qui ne permet pas de retrouver les profils classiques décrits dans la littérature (amateurs, amateurs intermédiaires et non amateurs de sucré).
Pour les deux autres méthodes, les pourcentages de sujets orientés dans chaque profil dépendent de la méthode : par exemple, le taux d’amateurs de sucré était de 39 % pour la méthode rapide et de 51 % pour la méthode de la pente. Enfin, les chercheurs mettent en évidence un effet inattendu : les résultats de la classification des sujets dépendent de l’ordre de présentation des échantillons, les solutions testées en premier étant davantage appréciées. Ainsi 63 % des participants ayant évalué la solution à 1 mol/L de saccharose en premier seraient considérés comme amateurs de sucré (selon le seuil de la méthode rapide), contre seulement 39 % de ceux l’ayant évaluée en dernier.
Pour les chercheurs, ces résultats questionnent la reproductibilité des résultats obtenus, qui varient selon la méthode et semblent dépendre du moment de consommation/de l’état du sujet (fatigue, saturation). Et de s’interroger : pour un individu donné, existe-t-il vraiment un profil inhérent d’appréciation du sucré ?
Des protocoles à affiner
Quoi qu’il en soit, parmi les deux méthodes retrouvant les profils habituels, chacune pourrait tirer son épingle du jeu selon les objectifs de recherche et les contraintes des chercheurs : la méthode rapide (avec une unique solution à goûter) offre une grande simplicité de mise en œuvre sur des échantillons de grande taille. La méthode de la pente semble toutefois la plus à même de retrouver les profils classiques d’appréciation de la saveur sucrée et d’orienter les individus vers le groupe qui leur ressemble le plus, mais est plus coûteuse en termes d’organisation et de lassitude potentielle des sujets, qui doivent goûter plusieurs échantillons. Des études complémentaires restent néanmoins nécessaires pour répliquer ces résultats sur des populations plus vastes, approfondir les effets du type de méthode sur le phénotypage des individus et affiner les protocoles vers un paramétrage plus optimal.