Février 2023
Un précédent article paru en 2021 dans Nutrients s’interrogeait déjà sur l’origine des méfaits souvent rapportés des aliments ultra-transformés (AUT) sur la santé (voir notre brève à ce sujet) : tiennent-ils au profil nutritionnel généralement défavorable de ces produits, ou à d’autres caractéristiques ?
Un an après, l’American Journal of Clinical Nutrition poursuit la réflexion en demandant à deux experts de débattre sur la question suivante : le concept d’AUT a-t-il une utilité supplémentaire, par rapport aux systèmes habituels de classification nutritionnelle, pour guider les recommandations alimentaires et autres politiques de santé publique ? Après deux articles présentant dans le détail les arguments et contre-arguments avancés par les deux experts [1] – le Professeur Monteiro, qui a participé à l’élaboration de la classification Nova d’une part, et le Professeur Astrup, chercheur mondialement reconnu dans le domaine de l’obésité d’autre part –, la revue publie la synthèse du débat dans un nouvel article.
À l’origine des désaccords : la définition même des AUT
Si les chercheurs s’accordent sur le fait que la transformation des aliments s’opère depuis des milliers d’années et que ses effets sur la santé dépendent du procédé (ex : fermentation, hydrogénation…), leurs points de vue restent diamétralement opposés sur un certain nombre de points. À commencer par la définition même des AUT. Ceux-ci sont parfaitement définis par la classification Nova selon le Pr Monteiro, tandis que le Pr Astrup souligne les zones d’ombre de ce système de classification, du fait de la nature très diverse des additifs présents dans les AUT et de l’absence de seuils quantitatifs associés à ces substances, donnant lieu à des erreurs ou incohérences de classement entre les utilisateurs.
Des effets au-delà de la composition nutritionnelle ?
Le second désaccord porte sur la question des effets des AUT sur la santé. Pour le Pr Monteiro, les effets rapportés des AUT sur la santé (risques accrus de mortalité et de différentes maladies chroniques) ne sont pas seulement liés à leurs profils nutritionnels, alors que pour le Pr Astrup au contraire les études ne permettent pas de conclure à un effet spécifique des AUT.
Selon ce dernier, non seulement le système Nova n’aurait donc pas de plus-value pour éclairer les politiques publiques, mais il pourrait même se révéler contre-productif : il pourrait freiner le développement des substituts aux produits animaux (ex : substituts de viande ou de lait), qui sont certes des produits transformés mais permettent de satisfaire une demande alimentaire mondiale en hausse sans augmenter les productions animales émettrices de carbone.
Un système NOVA 2.0 pour repartir sur de nouvelles bases ?
Enfin, il est demandé aux deux experts de lister les études qui seraient nécessaires pour résoudre les points de désaccord et clore le débat. Le Pr Monteiro appelle des essais randomisés contrôlés comparant les régimes riches et pauvres en aliments ultra-transformés ainsi que des études explorant les mécanismes sous-jacents. Pour le Pr Astrup, plus aucune recherche ne devrait être menée sur les AUT à partir de la classification Nova : il est temps de développer un système « Nova 2.0. ». Sa mise au point devrait débuter par une distinction des additifs présents dans les AUT (aujourd’hui considérés en bloc alors qu’ils ont des propriétés physiologiques très différentes les uns des autres) et une identification rigoureuse des substances et doses réellement problématiques. La question des interactions entre substances et/ou procédés et des effets matrices devrait également être documentée par des études spécifiques. Après validation d’un tel système par des panels d’experts seulement, il pourrait alors être testé dans des études pour vérifier son utilité.
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[1] L’article indique qu’il s’agit d’un débat de style académique (‘Oxford style’) dans lequel il est demandé aux participants d’argumenter des positions « pro » ou « anti », même si elles ne reflètent pas nécessairement les leurs.