Janvier 2024
Le « déficit énergétique relatif dans le sport », la « triade de la sportive », une faible disponibilité énergétique et en glucides… Que sont ces concepts, quels sont les liens entre eux et quel rôle jouent-ils dans la performance et la santé des sportives d’endurance ? Une revue narrative de littérature incluant 12 articles scientifiques publiés au cours des 20 dernières années fait le point sur ces questions.
Définition des différents concepts
La disponibilité énergétique correspond à l’énergie restante disponible pour le fonctionnement physiologique du corps, une fois que les calories nécessaires à l’activité sportive sont soustraites de l’apport énergétique alimentaire total. On parle de faible disponibilité énergétique (ou LEA : Low Energy Availability) pour des valeurs inférieures à 30 kcal/kg de masse maigre/jour, lorsque l’apport énergétique devient trop faible pour maintenir les fonctions physiologiques de base.
La faible disponibilité énergétique (1) chez la sportive est le plus souvent associée à un dysfonctionnement menstruel (2), tel que l’aménorrhée, et à une santé osseuse dégradée (3), en particulier une faible densité minérale osseuse. L’association de ces trois entités cliniques (1+2+3) a été nommée, dès 1992, la triade de l’athlète féminine, par l’American College of Sports Medicine.
Plus récemment, en 2014, le Comité International Olympique (CIO) a proposé un concept plus large et incluant également les hommes : le déficit énergétique relatif dans le sport, ou syndrome RED-S (Relative Energy Deficiency in Sport). Ce syndrome prend en compte les conséquences d’un déficit énergétique, chez les sportives et les sportifs, sur la santé, en considérant 10 fonctions différentes (au-delà de la santé osseuse et de la fonction menstruelle) : métabolisme, immunologie, croissance/développement, santé gastro-intestinale, psychologique, cardiovasculaire ou encore santé endocrine ou hématologique. Il intègre également une dizaine de conséquences sur la performance sportive, telles que la diminution de la force musculaire, de la concentration, de l’endurance ou encore la hausse du risque de blessures.
Le rôle des glucides
Indépendamment de l’apport énergétique total, l’apport glucidique en lui-même est également primordial chez les sportifs, en particulier dans le domaine de l’endurance. La consommation de glucides avant, pendant et après l’effort joue un rôle important, tant dans la santé des athlètes que dans leur performance. Il est recommandé aux sportifs de consommer entre 5 et 12 g de glucides par jour et par kg de poids corporel, en fonction de la phase d’entraînement (voir notre Brève à ce sujet). Néanmoins, les études quantitatives examinant, dans différents sports, les apports glucidiques chez les sportives montrent que les recommandations ne sont pas atteintes dans 45 à 98 % des cas, selon les études.
Les effets de la faible disponibilité en glucides
Or les résultats de la présente revue de littérature montrent qu’une faible disponibilité en glucides (ou LCA : Low Carbohydrate Availability) chez les sportives d’endurance peut non seulement contribuer au développement d’une faible disponibilité énergétique, mais aussi avoir des effets indépendants sur la santé et sur la performance des athlètes.
Les auteurs insistent sur les potentiels effets indépendants d’une faible disponibilité en glucides sur :
- la santé osseuse (fractures de fatigue [1], ou encore baisse de la densité minérale osseuse) ;
- la fonction immunitaire (risque plus élevé de maladies ou de blessures).
L’ensemble des fonctions susceptibles d’être affectées par une faible disponibilité en glucides, indépendamment d’une faible disponibilité énergétique ou de façon cumulative, est décrit dans la figure 1 (schéma de gauche).
Les impacts négatifs d’une faible disponibilité en glucides sur la performance (Fig. 1 ; schéma de droite) s’expliqueraient en particulier par les deux mécanismes suivants :
- une baisse de la quantité de glycogène dans le muscle serait à l’origine d’une fatigue musculaire prématurée et d’une capacité moindre à fournir un effort intense ;
- la baisse des glucides circulants pourrait affecter l’alimentation du système nerveux central et nuire ainsi à la fonction cognitive.
Focus sur les femmes sportives
Enfin, les auteurs s’arrêtent sur l’état des connaissances spécifiques à la LCA chez les femmes sportives. La faible disponibilité en glucides est relativement courante chez les athlètes féminines, particulièrement parmi celles à risque de faible disponibilité énergétique. Malgré cela, il apparaît que les femmes sont largement sous-représentées par rapport aux hommes, dans les recherches concernant la consommation de glucides dans le cadre du sport. De la même façon, les recommandations spécifiques pour les femmes sportives, en particulier en lien avec le cycle menstruel, sont relativement limitées. A noter cependant que la consommation d’un en-cas riche en glucides (par exemple une barre céréalière de type granola ou des fruits secs, accompagnés par exemple d’un jus d’orange) est suggérée, pendant la phase lutéale, 3 ou 4 heures avant l’exercice, dans l’objectif de limiter les effets de la diminution de la néoglucogenèse (mécanisme de synthèse de glucose à partir de substrats non glucidiques) et la baisse de performance associée.
[1] fractures incomplètes (fissures) de l'os qui résultent d'un déséquilibre entre la capacité d'adaptation de l'os et une surcharge mécanique trop importante, inhabituelle, intense et répétitive. Elles concernent tout particulièrement les os des membres inférieurs.