Avril 2025
Quels sont les potentiels effets de la consommation de sucres ajoutés sur la santé cardiovasculaire ? À travers les données issues de deux cohortes suédoises, une étude propose une analyse tout en nuances de la question, en examinant tour à tour les associations avec les différentes formes de maladies cardiovasculaires, puis en distinguant les différents types de produits sucrés et enfin en interrogeant les éventuels facteurs culturels pouvant expliquer certains résultats.
Concrètement, près de 70 000 participants (dont 47 % de femmes), âgés de 45 à 83 ans, ont été inclus dans l’analyse. Leurs es habitudes alimentaires ont été recueillies à deux reprises, en 1997 et en 2009, par le biais de questionnaires de fréquence alimentaire et les événements cardiovasculaires ont été enregistrés jusqu’en 2019. Les apports en sucres ajoutés ont été calculés en soustrayant les apports en sucres naturellement présents dans les fruits, légumes, jus de fruits et confitures des apports totaux en saccharose et monosaccharides.
Sucres ajoutés et pathologies cardiovasculaires
Des résultats contrastés sont observés selon le type de maladie cardiovasculaire considéré :
- Des élévations des risques d’accident vasculaire cérébral ischémique (+ 9 %) et d’anévrisme de l’aorte abdominale (+ 31 %), sont observées parmi les personnes présentant les apports en sucres ajoutés les plus élevés (supérieurs à 15 ou 20 % de l’apport énergétique total (AET)), comparativement à celles chez qui les apports en sucres ajoutés sont les plus bas, c’est-à-dire représentant 5 % ou moins de l’AET.
- Cependant, pour la majorité des autres événements cardiovasculaires étudiés, c’est parmi les personnes qui déclarent consommer le moins de sucres ajoutés que les risques sont les plus élevés [1] ; les risques les plus bas étant observés dans les populations ayant une consommation intermédiaire. Par exemple, comparativement au groupe le moins consommateur de sucres ajoutés (≤ 5 % de l’AET), les personnes ayant une consommation comprise entre 5 et 7,5 % de l’AET présentent un risque moins élevé d’infarctus du myocarde (- 5 %) ou encore d’insuffisance cardiaque (- 9 %).
Focus sur les différentes catégories de produits sucrés
Les auteurs ont par ailleurs examiné les associations entre les événements cardiovasculaires et les consommations de produits sucrés, classés en 3 catégories : aliments sucrés (pâtisseries, glaces, bonbons et chocolat), ingrédients sucrants (sucre de table, miel, confiture) et boissons sucrées (sodas, boissons aux fruits, hors purs jus de fruits).
Les données mettent en évidence des résultats contrastés en fonction de la catégorie de produits sucrés et en fonction de la pathologie cardiovasculaire. En effet :
- l’augmentation de la consommation ingrédients sucrants est associée à une hausse du risque d’anévrisme de l’aorte abdominale, mais à une baisse du risque d’insuffisance cardiaque et de sténose aortique ;
- une consommation plus élevée d’aliments sucrés est liée à un risque diminué de tous les événements cardiovasculaires ;
- enfin, une consommation plus importante de boissons sucrées est associée à un risque accru d’accident vasculaire cérébral ischémique, d’insuffisance cardiaque, de fibrillation atriale et d’anévrisme de l’aorte abdominale.
Interprétation et pistes d’explication
Pour expliquer ces différences entre boissons sucrées et aliments sucrés, les auteurs avancent l’hypothèse que les calories liquides n’exercent pas le même effet satiétogène que les calories solides, ce qui pourrait favoriser une surconsommation énergétique, le surpoids et, en cascade, les pathologies cardiovasculaires.
Par ailleurs, le lien entre la consommation élevée d’aliments sucrés et la diminution du risque cardiovasculaire ne repose pas sur un mécanisme biologique connu. Il pourrait être attribué à des facteurs socioculturels, comme la tradition suédoise du fika. Cette habitude consiste en une pause-café conviviale entre collègues ou amis, accompagnée d’une pâtisserie. Aussi, cette consommation habituelle d’aliments sucrés fait partie du quotidien de nombreuses personnes, sans pour autant être associée à une mauvaise alimentation ou à un mode de vie défavorable à la santé ; elle pourrait plutôt constituer un marqueur social (plus qu’un témoin d’une alimentation déséquilibrée).
[1] A noter que ce résultat ne semble pas être lié à un biais de causalité inverse (comme la présence préalable d’une maladie qui conduirait les sujets à réduire leurs apports en sucres), des précautions méthodologiques ayant été prises par les auteurs pour limiter ce biais. Toutefois, comme dans toutes les études épidémiologiques, des biais résiduels peuvent exister.