Février 2022
Consommer un aliment sucré (ou salé) modifie-t-il les envies pour des aliments présentant cette même saveur ou d’autres saveurs (salé/sucré, acide, amer, épicé…) ?
Des chercheurs ont exploré la question à travers une expérience mesurant les envies sensorielles spécifiques – définies par la motivation à consommer des aliments présentant un profil sensoriel en particulier – de 85 adultes danois (dont 71 femmes). Les participants étaient répartis en trois groupes, qui devaient respectivement consommer une collation sucrée composée de bananes, une collation salée composée de crackers, ou une collation mixte composée de ces deux aliments. Les chercheurs évaluaient en parallèle l’évolution des envies sensorielles spécifiques « théoriques » déclarées par les participants pour des aliments sucrés, salés, acides, amers, gras et épicés, ainsi que leur degré d’appréciation et d’envie « réels » pour des échantillons (présentés avant et après la collation) de 6 aliments représentant respectivement ces saveurs (pêche, bretzel, pomme verte, chocolat noir, crème fouettée et fruits à coque épicés).
Quand le sucre appelle… le sel, et vice versa
La consommation de la collation sucrée (composée de bananes) réduisait significativement l’envie exprimée pour les aliments sucrés, ainsi que le degré d’appréciation et d’envie pour l’échantillon sucré (la pêche). En parallèle, l’envie de consommer des aliments salés et épicés se renforçait, comparativement à celle exprimée avant la consommation de bananes (Figure).
De façon symétrique, la collation salée (composée de crackers) entraînait une diminution de l’envie déclarée pour les aliments salés, qui se reflétait dans la réduction de l’appréciation et de l’envie de consommer l’échantillon salé (bretzel). L’envie pour des aliments sucrés était augmentée après la collation salée (par rapport à avant), de même que celle pour des aliments acides et amers.
Quant à la collation mixte sucrée-salée (bananes et crackers), elle réduisait l’envie pour les aliments sucrés et salés ; l’envie pour les échantillons salés et sucrés été également diminuée. En parallèle, l’envie pour les aliments acides augmentait, tandis que les envies pour les aliments amers, gras, et épicés diminuaient.
La consommation d’une collation sucrée (composée de bananes) réduit l’envie pour les aliments sucrés en même temps qu’elle augmente les envies pour les aliments salés et épicés.
Les effets du désir sensoriel spécifique se transfèrent à d’autres aliments
Ainsi, cette étude montre que le profil sensoriel d’un aliment consommé (ex : aliment de saveur sucrée) réduit l’envie pour des aliments qui partagent la même saveur, mais modifie aussi l’envie pour des aliments qui ne partagent pas cette caractéristique (ex : aliments salés, acides, épicés…), en l’augmentant ou la réduisant selon les cas. En particulier, la consommation d’une collation sucrée augmente l’envie pour des aliments salés, et vice versa. Ces modifications au niveau des envies déclarées se reflètent aussi au niveau des appréciations et des envies exprimées devant des échantillons d’aliments représentant ces saveurs ; ce qui, pour les auteurs, démontre 1/ que l’effet du profil sensoriel des aliments consommés sur l’envie n’est pas seulement « mental », mais se traduit bien au niveau de l’appréciation et des envies ressenties devant des aliments réels ; 2/ que les effets de l’envie sensorielle spécifique peuvent être transférés sur des aliments qui n’ont pas été consommés directement mais qui présentent des caractéristiques sensorielles identiques à ceux consommés.
La complexité sensorielle pour mieux contrôler les prises alimentaires ?
Du point de vue de l’évolution, l’envie sensorielle spécifique est interprétée comme un mécanisme assurant à l’Homme la consommation d’une variété d’aliments sources de différents nutriments. Il pourrait aussi expliquer pourquoi les sujets, bien que se déclarant rassasiés, continuent à ressentir de l’envie pour des aliments présentant un profil sensoriel différent de ceux déjà consommés. Selon les auteurs, cela pourrait être à l’origine de certains comportements de snacking (bien que cela n’ait pas été directement testé dans cette étude). Dès lors, ils posent la question suivante : en augmentant la complexité et la diversité sensorielle d’un repas, peut-on renforcer le sentiment de satisfaction et limiter ainsi les apports alimentaires ultérieurs ? Des études complémentaires, mesurant notamment les comportements de snacking suite à l’exposition à différentes combinaisons de saveurs, seront nécessaires pour y répondre.