Octobre 2022
Oui, plaisir des sens peut rimer avec portions modérées en matière d’alimentation, du moins chez les consommateurs français : c’est en essence ce que suggèrent les derniers travaux de Pierre Chandon et Yann Cornil – dans la lignée de leurs précédentes découvertes [1] – dans un article présentant et testant le concept « d’étiquetage épicurien ».
Mettre l’emphase sur les propriétés sensorielles des aliments
Cet étiquetage consiste à mettre en avant sur un menu ou sur un emballage les propriétés multi-sensorielles des aliments (une tarte au citron devient ainsi une « pâte croustillante garnie de sa crème au citron légèrement acidulée »). Son effet a été testé sur le choix des portions dans une série d’études menées chez des consommateurs français et américains, deux populations aux cultures alimentaires radicalement opposées, avec une place plus marquée des enjeux de plaisir chez les premiers, et des enjeux de santé chez les seconds.
Le choix de portions plus petites
La première étude, menée chez 107 consommateurs français, montre que l’utilisation de l’étiquetage épicurien dans le menu d’un restaurant conduit à commander des quantités moindres d’aliments que le menu classique, tandis que la valeur monétaire attribuée au menu épicurien est plus élevée (Figure 1). À noter, le menu « nutritionnel » (étiquetant les calories et les graisses contenues dans les plats) réduit également les quantités commandées mais n’améliore pas la valeur monétaire.
Un effet culture-dépendant
Une seconde étude – proposant cette fois de commander en ligne – ayant inclus 410 Américains et 404 Français ne retrouve pas d’effet de l’étiquetage épicurien sur les quantités commandées chez les consommateurs américains, bien que ces derniers attribuent une valeur monétaire plus forte au menu épicurien, à l’instar des consommateurs français (Figure 2).
Enfin, dans une troisième étude, les chercheurs montrent que ces différences culturelles d’effets de l’étiquetage épicurien, observées en situation de consommation, se reflètent dans les produits alimentaires disponibles en supermarchés dans ces deux pays. Le screening de plus de 9 000 descriptifs de produits montre que les descriptifs sensoriels « épicuriens » sont plus fréquents sur les produits vendus en France, et que les produits présentant ce type de descriptif sont généralement plus petits mais vendus plus chers que les autres.
(Ré)concilier intérêts commerciaux et de santé publique
Conclusion des auteurs ? Les interventions mettant en avant les propriétés sensorielles des produits pourraient constituer une alternative prometteuse aux interventions nutritionnelles pour encourager des consommations modérées, bien que leur efficacité semble varier selon les pays. En augmentant à la fois le plaisir, la santé et la valeur monétaire des produits, elles ont l’avantage de concilier intérêts commerciaux et de santé publique, et pourraient faciliter l’adhésion des opérateurs commerciaux.
Abonnez-vous gratuitement à nos Brèves Nutrition !
[1] Voir notre brève à ce sujet : Plaisir viscéral et plaisir épicurien : quels effets sur la prise alimentaire ?
Financement : étude en partie financée par un Prix de l’Institut Benjamin Delessert.