Comment l’environnement sonore modifie notre perception des saveurs ?

Comment l’environnement sonore modifie notre perception des saveurs ?

mai 2023

Tout comme l’olfaction, l’audition semble pouvoir modifier l’expérience gustative que nous faisons des aliments. Mais tandis que la première est un sens constitutif de la perception gustative, la seconde est plutôt considérée comme un sens modulateur. Les recherches sur ces relations, dites inter-modales, entre l’audition et le goût se multipliant ces dernières années, des chercheurs ont souhaité faire un point à date sur les connaissances acquises à ce jour. Ils ont ainsi réalisé une revue systématique des études, qu’ils publient et commentent dans Food Quality and Preference.   

Une soixantaine d’études sur les relations entre l’audition et le goût  

Dans la soixantaine de publications identifiées, parues depuis 2009, deux grandes catégories d’études ressortaient :  

  1. des études sur les correspondances inter-modales, examinant les associations subjectives faites spontanément entre un stimuli auditif (ex : musique) ou des qualités sonores (ex : son plus ou moins aigu, tempo d’une musique…) d’une part, et des saveurs (ex : sucré, amer…) d’autre part ;  
  2. des études de modulation sonore, testant les effets de différents sons et ambiances sonores sur la perception des saveurs.  

Dans les deux catégories d’études (Figure, A et B), c’est la saveur sucrée qui était de loin la plus étudiée (n = 54), puis les saveurs amères (n=38), acides (n = 36) et salées (n=36). Différents types de stimuli sonores étaient étudiés : si musiques et bandes sons étaient testées dans les deux catégories d’études, les études sur les correspondances intermodales s’arrêtaient aussi sur les sonorités du langage (mots, phonèmes…) et des stimuli « bruts » tels que des notes de musiques ou des sons d’instruments. Les études de modulation utilisaient quant à elles des sons cherchant à recréer des ambiances sonores (bruits de fond d’un café…)

Répartition des études sur les associations intermodales (A) et sur les modulations sonores (B) en fonction des saveurs et des types de sons étudiés.

Les sons aigus associés au sucré et à l’acide, les sons graves associés à l’amer 

Premier résultat révélé par la revue : des tendances générales se dessinent dans la façon dont les individus associent les mêmes sons aux mêmes saveurs, cela se vérifiant pour des stimuli allant des plus simples tels que des notes de musique isolée aux plus complexes (morceau de musique élaboré). Ainsi, dans la majorité des études (par exemple lorsque l’on demande à des participants d’associer une saveur à une note de musique jouée ou au contraire d’associer une note de musique à une saveur évoquée), les sons aigus sont associés à des saveurs sucrées et des saveurs acides, tandis que les sons graves sont associés à des saveurs amères. Ces relations sont retrouvées lorsque des aliments et/ou boissons réels (versus des saveurs isolées) sont testés : les bières les plus amères sont  associées à des sons plus graves, tandis que les chocolats les plus sucrés sont associés aux notes plus aiguës.   

À chaque musique, une saveur associée 

Même « son de cloche » quand des morceaux entiers sont joués : par exemple, lorsque l’on demande à des musiciens d’improviser un morceau leur évoquant telle ou telle saveur, des patterns constants propres à chaque saveur ressortent dans leur composition musicale, en termes d’articulations, de durée, de volume, de gradient ou de dissonance. Et quand on fait écouter ces créations musicales à des personnes non expertes, elles sont souvent capables de deviner la saveur initialement suggérée au musicien. À noter, les bandes sons évoquant le sucre semblent être les plus faciles à décrypter, conduisent aux taux de réponses justes les plus élevés. Des bandes sons spécifiquement créées pour évoquer le goût sucré semblent même pouvoir influencer jusqu’au comportement des individus, avec par exemple une sélection plus importante d’images sucrées (versus salées) dans une étude. D’autres études montrent que des bandes sons véhiculent des attributs gustatifs même lorsqu’elles n’ont pas été composées en ce sens.  

Un effet « d’assaisonnement sonore » 

Les études de la seconde catégorie suggèrent que les émotions suscitées par l’ambiance sonore pourrait influer sur les perceptions gustatives. Ainsi, dans deux études utilisant des glaces au chocolat (qui combinent la saveur sucrée et la saveur amère), la diffusion de musiques appréciées conduisait généralement à une perception accrue de la saveur sucrée, tandis que l’amertume était plus prégnante en cas de diffusion d’une musique désagréable. Enfin, dans une autre étude, une glace au chocolat était notée plus sucrée quand elle était consommée sur un arrière bruit évoquant un café, plus amère quand elle était consommée dans un environnement sonore évoquant un bar ou un fast food. Les chercheurs parlent « d’assaisonnement sonore » pour évoquer ces stimuli capables de moduler l’expérience gustative et envisagent les perspectives possibles : parmi elles, la possibilité d’améliorer l’offre alimentaire et les habitudes alimentaires sans dégrader l’expérience sensorielle et le plaisir alimentaire.   

Des pistes mécanistiques théoriques à explorer 

Les hypothèses mécanistiques susceptibles d’expliquer ces relations intermodales entre l’audition et le goût ne manquent pas, bien qu’elles restent théoriques à l’heure actuelle. On peut par exemple citer l’hypothèse d’une correspondance hédonique entre les stimuli auditifs et gustatifs : autrement dit, les stimuli les plus plaisants en bouche (ex : préférence innée pour le sucré) seraient inconsciemment associés aux stimuli les plus plaisants à l’oreille (ex : sons harmonieux, sans dissonance). Autre piste : certains stimuli auditifs et gustatifs pourraient provoquer des réponses physiologiques similaires (rythme cardiaque…). Quant aux questions sur l’origine innée/acquise, sur les différences interculturelles et interindividuelles des relations audition-goût, elles restent peu élucidées à ce jour et mériteront d’être étudiées dans de futures études.  

A retenir

  • D’après une revue de la littérature, il existe de nombreuses relations entre les sens du goût et de l’audition. 
  • Certaines sonorités semblent évoquer des saveurs spécifiques : par exemple, les sons aigus sont souvent associés aux saveurs sucrées et acides, tandis que les sons graves évoquent davantage la saveur amère.  
  • De plus, l’environnement sonore dans lequel se trouvent les consommateurs modifie la perception des saveurs. 

Sources

  • Crossmodal interactions between audition and taste: A systematic review and narrative synthesis. Guedes D, Vaz Garrido M, Lamy E, Pereira Cavalheiro B, Prada M. Food Quality and Preference, Volume 107, 2023. 
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