Octobre 2023
De nombreuses études ont suggéré une perception altérée des odeurs et des saveurs en cas d’obésité. Or les perceptions sensorielles en bouche reposent sur différents paramètres oraux influençant la libération des composés odorants et sapides ou modulant la sensibilité gustative, tels que le flux salivaire ou la composition du microbiote oral. Une équipe espagnole a ainsi voulu savoir si les différences de perception sensorielle selon l’IMC pouvaient être liées à des différences biochimiques dans la salive ou à des différences de composition du microbiote.
Mettre en relation les paramètres buccaux et la perception des flaveurs
Pour cela, ils ont recruté 77 adultes, dont 33 obèses (IMC > 30 kg/m²) et 44 de poids dans la norme (IMC compris entre 18,5 et 25 kg/m²). Ceux-ci étaient exposés à 7 flaveurs (3 saveurs, et 4 arômes testés « en bouche » de façon rétronasale) et devaient noter pour chacune d’entre elles l’intensité perçue et leur degré d’appréciation. Un prélèvement salivaire permettait par ailleurs de caractériser la composition salivaire (flux salivaire, teneur en protéines, activité antioxydante, et activité de l’estérase2) et la composition du microbiote.
Des spécificités de composition orale en cas d’obésité…
Confirmant certains résultats déjà rapportés dans la littérature, les chercheurs observent chez les individus obèses une moindre intensité perçue et une moindre appréciation de deux arômes (arôme ananas et arôme tropical) et une moindre perception de deux saveurs (sucrée et umami). La teneur de la salive en protéines, son activité antioxydante et son activité estérasique (hydrolyse des esters) étaient plus élevées chez les individus obèses, et le microbiote oral de ces derniers différait de celui des individus de poids normal.
… corrélées à la perception des flaveurs
Certaines différences de composition du microbiote et de la salive s’avéraient significativement corrélées à l’intensité perçue des flaveurs. Par exemple, plus les bactéries Defluviitaleaceae étaient abondantes, moins la saveur sucrée était perçue. De même pour la teneur de la salive en protéines et son activité antioxydante, qui étaient négativement corrélées à la perception de la saveur umami. L’hypothèse sous-jacente : ces paramètres salivaires, plus élevés chez les individus obèses, pourraient entraver la perception gustative, soit en constituant une barrière physique entre les composés sapides et leurs récepteurs buccaux, soit en dégradant des composés sapides par des réactions d’oxydo-réduction. Les bactéries buccales pourraient aussi interférer, par exemple en métabolisant certains composés gustatifs ou olfactifs.
Ainsi, bien qu’ils restent purement observationnels, ces résultats suggèrent que des différences au niveau de paramètres oraux tels que la composition de la salive ou du microbiote pourraient expliquer les différences de perceptions des flaveurs entre individus obèses et de poids normal, elles-mêmes impliquées dans le comportement alimentaire et la prise alimentaire.
Voir tous les articles du numéro spécial « Manger avec ses 5 sens »