Octobre 2023
Lorsque la faim nous tenaille, la nourriture ordinaire devient plus attrayante et les aliments que l’on n’aime pas habituellement deviennent moins aversifs. Ainsi, la perception gustative s’avère modulée par les changements physiologiques associés à des états internes tels que la faim ou la satiété (voir Figure). Si l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle a permis d’identifier certaines zones cérébrales impliquées, les mécanismes en jeu pour expliquer comment le cerveau module les perceptions gustatives au cours de ces différents états internes demeurent encore mal compris.
Anticipation, prise alimentaire, arrêt : les circuits neuronaux suspectés
Le comportement alimentaire décrit trois phases : (1) motivation et anticipation avant le début de la prise alimentaire (comportement appétitif), (2) perception gustative et prise alimentaire (comportement de consommation), et (3) arrêt de la prise alimentaire.
Sur la base de précédents travaux menés notamment chez l’animal, les auteurs tentent d’identifier des populations neuronales ou circuits neuronaux spécifiques qui réguleraient les comportements alimentaires et les processus de perception gustative dans le système nerveux central au cours de ces différentes phases.
- L'hypothalamus semble au centre du processus. Il contient notamment des neurones dits AgRP (« neurones de la faim ») impliqués dans l'anticipation de la consommation calorique. Une voie métabolique spécifique relierait ces neurones AgRP au cortex gustatif primaire (également appelé cortex insulaire InsCtx) impliqué dans l'amélioration, en cas de faim, des réponses aux signaux alimentaires chez la souris (les neurones InsCtx répondent aux signaux alimentaires visuels en cas de faim et sont abolis en période de satiété).
- L'amygdale basolatérale (représentation de la capacité de récompense de l’aliment) et le cortex orbitofrontal (mémoire de ces représentations) joueraient également un rôle dans la prédiction de la récompense (l’anticipation de la hausse de glycémie, du pouvoir satiétogène, …).
- Lors de la phase de prise alimentaire, l'exposition orale à des aliments au goût « normal » maintient le rythme de consommation alimentaire, tandis que les goûts particulièrement agréables déclenchent une sensation positive et augmentent la fréquence de la mastication. A l’inverse, les goûts aversifs génèrent un sentiment négatif et conduisent à une interruption brusque de l'alimentation. L'amygdale pourrait fonctionner comme un point relais pour transmettre la valeur du goût et la capacité de récompense, et ainsi déclencher des comportements alimentaires associés.
- Enfin, l’hypothalamus latéral contient deux populations distinctes de neurones répondant aux goûts appétitifs et aversifs : les neurones de la faim AgRP, et les neurones Vglut2LH qui codent la satiété. Ces derniers serviraient de frein permettant l’arrêt de la prise alimentaire.
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