Comment la leucémie modifie-t-elle le métabolisme glucidique de l’organisme malade, en détournant le glucose à son profit pour assurer la prolifération tumorale ? C’est ce qu’a étudié une équipe de chercheurs du Colorado.
L’avantage compétitif des cellules tumorales
Toutes les cellules ont besoin d’énergie pour fonctionner, et le glucose constitue leur source d’énergie principale. Les cellules cancéreuses ne dérogent pas à cette règle ; leur consommation de glucose se révèle même supérieure à celle de cellules normales.
Et pour cause : les cellules tumorales peuvent prélever du glucose sanguin indépendamment de la présence d’insuline. À travers une série d’expériences réalisées chez des souris leucémiques, les chercheurs montrent même que les cellules cancéreuses sont capables de limiter l’accès des cellules normales au glucose.
Déréguler la disponibilité et la sensibilité à l’insuline pour détourner le glucose
Première voie d’action tumorale mise en évidence, la leucémie modifie la sécrétion de protéines essentielles à la régulation du métabolisme glucidique. Ce cancer induit en effet la production aberrante par le tissu adipeux d’une protéine nommée IGFBP1 (Insulin Growth Factor Binding Protein 1), qui diminue la sensibilité des cellules saines à l’insuline.
Elles ont donc besoin de plus d’insuline pour pouvoir utiliser le glucose sanguin. Par ailleurs, la maladie entraîne une diminution de la synthèse de certaines protéines au niveau intestinal : la sérotonine et les incrétines. Or ces molécules stimulent la sécrétion d’insuline par le pancréas.
Leur diminution entraîne donc une baisse de l’insulinémie. En résumé, la leucémie augmente le besoin d’insuline des cellules saines, tout en diminuant la production d’insuline. Les cellules saines ont donc moins accès au glucose sanguin, qui est absorbé par les cellules tumorales.
Une implication du microbiote intestinal
Les incrétines et la sérotonine étant produites au niveau intestinal, les chercheurs se sont ensuite interrogés sur un éventuel rôle du microbiote dans les dérégulations métaboliques observées.
Ils ont alors constaté une altération du microbiote chez les souris leucémiques, caractérisée par la disparition de certaines populations bactériennes productrices d’acides gras à chaîne courte comme le proprionate et le butyrate.
Or ces acides gras diminuent la production d’IGFBP1, augmentent l’insulinémie et sont donc bénéfiques pour les cellules saines : leur disparition est favorable au développement tumoral.
Des résultats concordants observés chez L’Homme
Pour vérifier dans quelle mesure les dérégulations observées chez la souris étaient aussi présentes en cas de leucémie chez l’Homme, plusieurs analyses ont été effectuées chez des patients ; et concordaient avec les résultats obtenus chez l’animal : augmentation des concentrations sanguines d’IGFBP1 et diminution des concentrations de sérotonine.
Ainsi, les cellules musculaires et adipeuses d’une personne malade deviennent progressivement incapables d’utiliser le glucose sanguin, d’où une fonte musculaire et une perte de poids évoluant parfois jusqu’à la cachexie.
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