Janvier 2024
Si la tendance à manger sous le coup des émotions (« alimentation émotionnelle ») semble se mettre en place dès le plus jeune âge, elle ne concerne pas tous les enfants et pourrait dépendre à la fois du type d’émotion ressentie, du tempérament de l’enfant, des pratiques parentales en matière d’alimentation, et de l’interaction entre ces différents facteurs. Alors que les recherches sur le sujet ont essentiellement eu recours à des enquêtes déclaratives jusque-là, sans distinguer les différentes émotions en jeu, pour la première fois, des chercheurs britanniques ont imaginé une expérience permettant d’induire différents types d’émotions chez de jeunes enfants de 4 à 5 ans.
Des émotions induites expérimentalement
119 enfants accompagnés d’un parent ont ainsi été invités au laboratoire. Ils étaient répartis en trois groupes : un groupe d’enfants chez lesquels on induisait de la tristesse (pièce manquante au puzzle qu’ils devaient réaliser pour obtenir une récompense) ; un groupe d’enfants chez lesquels on induisait de l’ennui (enfant devant patienter pendant que l’assistant de recherche discute ou compte les pièces du puzzle dans une autre pièce) ; un groupe d’enfants témoins (puzzle à effectuer sans obstacle). Pour mesurer l’alimentation émotionnelle, les enfants étaient laissés seuls quelques minutes devant un plateau de snack sucrés et salés.
En parallèle, les parents remplissaient des questionnaires sur le tempérament de leur enfant (tendance aux affects négatifs, à l’impulsivité, à un faible auto-contrôle) et sur les pratiques parentales mises en place dans la famille autour de la nourriture (récompenses alimentaires, aliments pour réconforter leur enfant, etc.).
A l’issue de l’expérience, les chercheurs mesuraient le nombre de calories totales, sucrées et salées, consommées en fonction de l’émotion induite, du tempérament de l’enfant et des pratiques parentales.
L’ennui, mais pas la tristesse, associé à l’alimentation émotionnelle
Seul l’ennui généré par l’expérience conduisait à une augmentation des calories et des calories sucrées consommées par les enfants, sans effet significatif de la tristesse (Figure). En outre, certains traits infantiles et pratiques parentales semblaient interagir avec certaines émotions : en particulier, les enfants ressentant de façon élevée les affects négatifs, et dont les parents utilisent les aliments pour réguler les émotions, consommaient 5 fois plus de calories sucrées quand ils s’ennuyaient (versus le groupe témoin).
Ainsi, l’ennui semble l’émotion la plus à même d’inciter les enfants à l’alimentation émotionnelle, et les effets du tempérament de l’enfant et des pratiques parentales sur l’alimentation émotionnelle s’expriment essentiellement dans ce contexte d’ennui. Pour les chercheurs, ces résultats ne devraient pas encourager à éviter l’ennui chez les enfants (qui a bien des vertus), mais plutôt à leur apprendre à expérimenter l’ennui en se tournant vers autre chose que la nourriture.