Décembre 2021
La France est le premier producteur européen d’alcool agricole. Outre le bioéthanol destiné à la carburation automobile, cet alcool est utilisé dans de multiples domaines. Notamment dans des filières d’excellence comme les parfums, cosmétiques et spiritueux qui portent le savoir-faire hexagonal sur la scène mondiale.
Il y a 6 000 ans, les Égyptiens l’utilisaient déjà pour la confection de boissons et de parfums. Aujourd’hui, l’alcool éthylique est indispensable à l’élaboration de nombreux produits alimentaires et non alimentaires. « La France en produit 16 à 18 millions d’hectolitres par an (17,8 Mhl en 2020), à partir de betteraves sucrières et de céréales cultivées en France, explique Sylvain Demoures, secrétaire général du Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA). Les deux tiers des volumes sont incorporés dans les essences où l’alcool prend alors le nom de "bioéthanol". Mais le vif intérêt que soulève ce carburant aux vertus économiques et écologiques ne doit pas faire oublier les autres débouchés dont bénéficie notre production. »
Par convention, l’alcool destiné à tout autre utilisation que la carburation automobile est appelé « alcool traditionnel ». Comme l’expose Laura Santini, responsable commerciale Alcool chez Cristalco, « le marché de l’alcool traditionnel se répartit en quatre grands secteurs : les boissons et utilisations alimentaires, qui représentent environ 50 % de notre marché, les détergents et la chimie (20 %), les parfums et cosmétiques (20 %), l’industrie pharmaceutique (10 %). » Toutes ces utilisations requièrent des alcools aux caractéristiques bien précises que les fabricants s’appliquent à produire dans les douze distilleries que compte le territoire.
Alcool brut, rectifié ou surfin...
Techniquement, l’alcool éthylique est obtenu par fermentation puis distillation de « moûts » sucrés, par exemple du jus de betterave ou des coproduits issus du procédé sucrier (sirops, mélasses). La fermentation consiste à transformer les sucres des moûts en alcool sous l’action de levures. Au terme du processus, on obtient un vin contenant 8 à 11 % d’alcool qui est porté à ébullition dans de hautes colonnes de distillation avec de la vapeur d’eau. Plus la vapeur s’élève dans les étages de distillation plus elle se charge en alcool. Celui-ci se concentre progressivement jusqu’à l’obtention d’un alcool brut qui titre au minimum 92 %.
L’alcool brut est composé d’eau, d’éthanol, de composés organiques (aldéhydes) et d’autres alcools comme le méthanol ou le propanol. Appelés « non alcools », ces éléments ont des caractéristiques (odeurs, toxicité) qui les rendent impropres à la plupart des utilisations, et en premier lieu à la consommation alimentaire. Il faut alors purifier l’alcool par une nouvelle série de distillations successives appelée rectification. On obtient alors un alcool rectifié extra neutre, qui peut encore être affiné pour certaines utilisations qui le demandent : on parle alors d’alcool rectifié surfin. « La qualité des alcools rectifiés produits en France est une grande force de notre filière, souligne Bernard Traverse, directeur des ventes Alcool du groupe Tereos. Ils offrent la qualité irréprochable attendue par des grands groupes de la cosmétique ou des spiritueux pour leurs produits d’excellence. »
À chaque alcool ses utilisations
Les acteurs de la distillation sont ainsi en capacité de fournir à leurs clients une large gamme d’alcools répondant à des cahiers des charges très spécifiques, voire individualisés. L’alcool brut est traditionnellement destiné aux marchés de la chimie : il sert à la fabrication de solvants pour des vernis, peintures et encres d’impression. Les alcools rectifiés trouvent des débouchés dans les produits domestiques (lessives, liquides vaisselle, lave-vitres, vinaigres ménagers, désodorisants...) ainsi que dans les produits de désinfection et d’assainissement. On pense en premier lieu aux solutions et gels hydroalcooliques dont la production a été décuplée lors du premier confinement afin de répondre aux besoins générés par la crise sanitaire (voir notre article ici).
Les applications dans la santé ne s’arrêtent pas là. Omniprésent en univers hospitalier pour la désinfection des équipements, l’alcool est aussi utilisé par l’industrie pharmaceutique. Soit en tant qu’ingrédient (sirops, solutions), soit en tant que réactif pour la production des principes actifs de certains médicaments.
Côté alimentation, l’alcool surfin de qualité alimentaire est l’ingrédient de base des liqueurs et spiritueux (boissons anisées, gins, vodkas...) ainsi que des vinaigres de table... Enfin, côté beauté-bien-être, l’alcool est un composant majeur des parfums. Mais il sert aussi à la fabrication de crèmes, de laques pour cheveux ou encore de bougies et autres parfums d’ambiance... Les fabricants de parfums et cosmétiques utilisent préférentiellement de l’alcool surfin car son odeur est très neutre et stable tout au long de l'année.
Un niveau de qualité qui fait la différence
Vitrines du savoir-faire français et fleurons à l’exportation, les parfums et les spiritueux sont des secteurs particulièrement exigeants quant à leurs approvisionnements en alcool. Comme l’explique Sylwia Depta, également responsable commerciale chez Cristalco, « les marques de luxe exigent une production sur-mesure, avec des profils physico-chimiques bien définis, de très haute qualité et parfaitement stable tout au long de l’année. Notre groupe est organisé pour répondre à de telles exigences sur toute la chaîne de valeur, depuis les matières premières et l’outil industriel jusqu’aux flux logistiques en passant par l’expertise technique. »
La qualité de l’alcool « made in France » est également reconnue sur les marchés internationaux. Notamment au Moyen Orient qui est une importante région de production de parfums. Les fabricants y exigent une qualité premium, capable de se mettre au service des spécificités locales, par exemple en ce qui concerne l’intensité des arômes et la stabilité des produits.
Un levier du marketing d’excellence
Bernard Traverse souligne que « la qualité de l’alcool est un levier de la stratégie marketing, et l’alcool haut de gamme produit en France est une réponse au positionnement haut de gamme des pépites de l’industrie du luxe français. »
La dimension responsable et sociétale est également un enjeu sur lequel les marques à haute valeur-ajoutée sont vigilantes. En tant qu’ingrédient, l’alcool doit répondre aux critères de transparence, de traçabilité ou de conditions de production exigés par le marketing et, le cas échéant, par les labels et certifications (Éco-label, Kasher...). « De plus, note Sylvain Demoures, les grandes marques de spiritueux, de parfums et de cosmétiques sont particulièrement sensibles à la notion de "made in France" : notre filière et ses produits s’intègrent totalement dans cette valeur qui contribue à l’image de produits prestigieux . »