Novembre 2023
La production de sucre de betterave est une activité agro-industrielle parmi les plus efficaces au plan de la gestion de l’eau. Avec des sucreries structurellement excédentaires en eau, les entreprises sucrières visent naturellement l’autonomie hydrique des sites.
D’où vient l’eau utilisée pour produire du sucre ?
La betterave sucrière est une plante généreuse dont la racine renferme de précieuses ressources : le sucre que nous utilisons au quotidien, des fibres et des minéraux utilisés en alimentation animale (pulpes), mais aussi de l’eau… Et même beaucoup d’eau puisque la racine en contient 77 à 80 % ! Rapportée aux besoins d’une sucrerie, cette richesse naturelle est un véritable atout. Prenons l’exemple d’une sucrerie qui traite 22 000 tonnes de betteraves par jour pendant cent jours. Celles-ci fournissent à elles seules 1,7 million de m3 d’eau, soit 90 % des quantités nécessaires au fonctionnement de la partie industrielle du site.* Les volumes complémentaires sont apportés par des dispositifs de forage (9 %) et de récupération des eaux pluviales (1 %).
À quoi sert l’eau dans les sucreries ?
L’eau y est omniprésente et joue un rôle multiforme. Bien entendu, elle sert au lavage des racines de betterave avant leur entrée dans le procédé sucrier. Mais avant cette utilisation qui représente l’ultime étape du recyclage de l’eau, elle remplit une triple fonction de vecteur d’énergie, de transport des betteraves et d’extraction du sucre. Ainsi, elle fournit de la vapeur d’eau pour faire fonctionner certains équipements ou produire de l’électricité. Elle sert de fluide caloporteur dans les circuits de chauffage. Elle assure la circulation physique des betteraves et des cristaux de sucre lorsqu’ils sont encore dans les jus sucrés. Et surtout, elle permet de réaliser la diffusion qui est l’étape emblématique de l’extraction du sucre de betterave (lire ici notre article sur l’atelier diffusion). Lorsque la sucrerie est associée à une distillerie, l’eau sert également à diluer les substrats qui sont mis en fermentation.
Que devient l’eau après utilisation ?
En fin de procédé, l’eau sort sous différentes formes. 27 % sortent en vapeur d’eau non récupérable (évacuée par les cheminées de l’usine) et environ 20 % se retrouvent dans des produits d’intérêt générés par le procédé (pulpes, mélasses, écumes…). Les quantités restantes – plus de la moitié – constituent les excédents. Pour une sucrerie telle que celle évoquée précédemment, cela représente 1 million de m3 d’eau qui seront valorisés de plusieurs manières.
Par exemple, une grande partie des eaux qui ont servi à laver les racines repartent dans les champs en tant qu'épandage. Chargées de terre et d'éléments végétaux, elles offrent une alternative à d’autres engrais pour les cultures. « Les effluents propres à l’industrie sucrière sont d’excellents fertilisants et leur épandage est reconnu comme une des meilleures techniques disponibles, tant au niveau de la gestion de la ressource qu’au regard de la réglementation », souligne Rémi Aubry, responsable du pôle Process industriels et Environnement du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS). Les eaux excédentaires sont restituées au milieu naturel après vérification de leur conformité aux normes. Les sucreries disposent de stations d’épuration et/ou de systèmes de lagunage qui rendent les eaux propres à ces utilisations.
Pourquoi viser une gestion 100 % circulaire de l’eau ?
À l’heure où la ressource en eau se raréfie et au regard des volumes considérables qui sont engagés, les pratiques mises en place de longue date par l’industrie sucrière contribuent pleinement aux critères de durabilité sociale et environnementale de la filière. Pour autant, les acteurs du secteur entendent aller encore plus loin afin de supprimer totalement les prélèvements effectués sur la ressource extérieure, aussi limités soient-ils. Comme l’explique Rémi Aubry, « l’objectif est de fermer le circuit d’eau pour atteindre l’autonomie hydrique totale. Certaines sucreries sont d’ores et déjà parvenues à boucler la boucle et d’autres en prennent le chemin. »
De fait, on n’utilise pas la même eau pour laver les betteraves, alimenter un cylindre de diffusion ou faire chauffer une « cuite de cristallisation »... Il faut donc pouvoir disposer à chaque étape d’une qualité d’eau parfaitement adaptée à la tâche requise. « L’idée consiste à créer une véritable cascade d’eau, de la plus propre à la moins épurée, qui circule en boucle dans la sucrerie, reprend Rémi Aubry. Il faut pour cela implanter des circuits spécifiques ainsi que des moyens de traitement et de stockage. » Une gestion de l’eau de haute précision qui, en finale, bénéficiera autant aux sucreries qu’à l’environnement. Et, pourquoi pas, à d’autres activités industrielles qui pourraient, à leur tour, mettre à profit les excédents hydriques de l’industrie sucrière pour réduire leurs propres prélèvements sur la ressource en eau.
* L’eau potable destinée aux besoins du personnel et des activités non industrielles (cuisine, laboratoires d’analyse…) est fournie par le réseau d’adduction d’eau collectif à travers un réseau entièrement séparé.
Voir également notre vidéo Le cycle de l’eau dans la production de sucre.