Claire Heitzler : « En pâtisserie, le bon et le beau c’est la pureté. »

Championnat de France du Dessert

Claire Heitzler : « En pâtisserie, le bon et le beau c’est la pureté. »

Avril 2024

Présidente nationale de la 50e édition du Championnat de France du Dessert, la cheffe pâtissière Claire Heitzler livre sa vision de cette compétition et explique les valeurs qu’elle-même porte dans l’univers de la gastronomie.

« Le bon, le beau, le bien » est votre credo en pâtisserie. Quelle en est votre définition ?

Ces trois notions sont pour moi inséparables car, en réalité, elles n’en font qu’une. En pâtisserie, comme en cuisine, tout commence par le produit et le respect qu’on lui doit. Pour créer du bon, il faut d’abord comprendre les matières premières, leur inscription dans le rythme des saisons et dans le terroir dont ils sont issus. Ces produits sont cultivés par des producteurs qui aiment la terre. Afin de leur rendre hommage il faut repartir de l’essence de la pâtisserie. Oublier toute idée de démonstration technique et ne pas dénaturer les produits en les travaillant trop, en y associant trop d’ingrédients et, encore moins, en y ajoutant des additifs. Le produit se suffit à lui-même : je n’ai pas besoin de mettre de la poudre de fraise dans une mousse pour qu’elle soit rouge, et je vais simplement utiliser le fruit en décor pour montrer qu’il y a de la fraise dedans. L’idée est d’aller à l’essentiel avec une pâtisserie où le "bon" vient avant tout du goût authentique qu’apportent des ingrédients de qualité, produits par des personnes qui les aiment et les respectent.

Cette recherche de minimalisme vous impose-t-elle des limites aux niveaux technique et esthétique ?

La maîtrise de la technicité fait partie de ce que nous devons détenir en tant que professionnel. Mais il ne faut pas confondre cette connaissance indispensable à notre expression en pâtisserie avec la démonstration technique qui, elle, renvoie plus à l’égo. La tentation de faire trop de décors pour montrer que l’on sait faire du beau est à mon sens une fausse route. Le beau, tout comme le bon, c’est la pureté. Ainsi, je crois qu’il faut supprimer le superflu qui rime souvent avec superficiel pour fonder l’esthétique sur les qualités et les spécificités des produits eux-mêmes. Par exemple, la saison est un paramètre qui va impacter le décor autant que la dimension gustative. Au printemps, les fruits que nous offrent la saison nous amèneront à créer des décorations dans les tons de rouge, de rose, tandis que l’automne nous guidera naturellement vers les tons orangés. De la même manière, il faut se méfier des clichés : un dessert à la rose n’a pas besoin d’être rose pour être appétissant et vendeur, il faut juste rappeler que les eaux florales que nous utilisons sont toujours incolores…

Comment faites-vous le lien avec la notion de « bien » ?

Tout simplement en essayant de faire du bon et du beau dans le respect de la terre, des produits de saison et de ceux qui les produisent. C’est pour cela que j’ai choisi de travailler en collaboration étroite avec des producteurs. En fait, cette démarche fait le lien avec ce que j’ai appris en restauration, notamment au contact de grands chefs cuisiniers comme Michel Troisgros et Alain Ducasse. En cuisine, la tradition veut que l’on achète ses asperges chez tel producteur, mais en pâtisserie cette démarche reste très confidentielle car on choisit souvent ses ingrédients sur d’autres critères que la saisonnalité ou la proximité. Or, dès le début, j’ai souhaité intégrer cette approche à mon travail. Grâce aux producteurs, la gastronomie dispose d’un patrimoine exceptionnel. En tant que professionnels bénéficiant d’une certaine notoriété nous pouvons, à travers notre démarche, sensibiliser les consommateurs à l’importance de préserver ce patrimoine qui permet d’accéder à des ressources alimentaires de très grande qualité. À l’inverse, le fait de ne pas prêter attention au "sourcing" nous expose à un risque de perte de patrimoine.

En toute logique, vous avez proposé « la saisonnalité et la proximité avec les producteurs » comme thème du Championnat de France du Dessert 2024. Comment les finalistes l’ont-ils interprété ?

Très franchement, j’ai été surprise de constater que les valeurs que je défends étaient déjà fortement ancrées chez les candidats, pour les Juniors comme pour les Professionnels. Y compris chez ceux qui n’ont pas atteint la finale nationale car c’était déjà visible dans les dossiers de candidature. Au niveau des épreuves, ils n’ont pas cherché particulièrement à me faire plaisir ou à répondre à un cahier des charges. Mais je pense que le thème que j’ai proposé les a invités à aller plus loin dans cette direction. Le concours leur a permis de faire de belles recherches et de développer de belles histoires avec les producteurs. Je peux citer l’exemple d’un candidat Junior qui a travaillé son dessert à base de menthe, de verveine et de pomme en pleine collaboration avec son voisin et producteur. Il a résumé sa démarche par une très belle expression : « la microlocalité »... Autre exemple significatif, le déroulement complet du Championnat de France du Dessert s’étend sur la période hiver-printemps : beaucoup de propositions intégraient la pomme, la poire, les agrumes, ce qui témoigne de la prise en compte de la saisonnalité.

Vous avez plusieurs fois participé aux jurys du Championnat avant de le présider. Quel regard portez-vous sur cette compétition ?

C’est toujours un plaisir de participer aux jurys de concours professionnels, particulièrement pour le Championnat de France du Dessert qui, outre le très haut niveau, s’inscrit dans la durée comme en témoigne son 50e anniversaire. Je dois dire que j’ai été très honorée lorsque Cultures Sucre m’a proposé de présider cette édition exceptionnelle. Le Championnat est une compétition incontestable et reconnue par la profession. Les organisateurs sont vraiment à l’écoute des professionnels et les laissent exprimer les valeurs qu’ils souhaitent porter. C’est une démarche très saine qui favorise l’évolution de notre discipline. Ce qui le rend encore plus intéressant à mes yeux c’est qu’il cultive le lien entre pâtissiers et cuisiniers. Quand le Championnat a été créé, il n’y avait pas de chefs pâtissiers au sein des brigades puis, au fil des années, la pâtisserie y a pris de plus en plus d’importance et les pâtissiers ont accédé à une véritable reconnaissance. Aujourd’hui, on mesure tout ce que le dessert de restaurant apporte à l’offre d’un grand établissement. Le Championnat de France du Dessert a parfaitement compris les synergies entre cuisine et pâtisserie. D’ailleurs les jurys sont composés, entre autres, de pâtissiers de restaurant, de pâtissiers de boutique et de chefs de cuisine. À ma connaissance, il n’y a pas d’autres concours où ces trois disciplines sont réunies. C’est une richesse qui inscrit la pâtisserie de restaurant dans une vision globale de la gastronomie française.

Pour découvrir le palmarès et les desserts lauréats du Championnat de France du dessert 2024, suivez ce lien.

 

Une icône de la scène sucrée


Claire Heitzler est une des premières grandes figures féminines de la pâtisserie contemporaine. Également pionnière en création, elle a notamment lancé la « Séquence sucrée », un menu sucré autour des légumes et des fruits. Après avoir officié aux côtés de grands chefs et au sein de prestigieux établissements (Troisgros, Ladurée, Alain Ducasse, Lasserre, Park Hyatt Dubaï...), elle crée en 2018 sa société de conseil et de formation, Claire Consulting, dédiée aux pâtissiers et responsables de restaurants. En 2021, elle ouvre sa boutique en ligne Claire Heitzler & Producteurs, implantée à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), où elle propose sa pâtisserie en accord avec ses valeurs.

 

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