Mai 2025
Intervention nutritionnelle, chirurgie bariatrique, agonistes du GLP-1… quelle que soit la façon dont la perte de poids est obtenue, la reprise de poids touche une grande partie des sujets et reste un défi majeur à relever dans la prise en charge de l’obésité. Or les revues d’experts et autres rapports de symposiums sur le sujet sont unanimes : l’état physiologique des sujets ayant perdu du poids diffère de celui des sujets n’ayant jamais pris de poids. Et les mécanismes conduisant à la reprise de poids après perte de poids sont vraisemblablement différents de ceux à l’origine de la prise de poids initiale. Dans une revue narrative, deux chercheurs de l’Université de Maastricht proposent un tour d’horizon des quatre principaux mécanismes susceptibles d’expliquer les spécificités de la reprise de poids, en s’appuyant sur les travaux de recherche les plus probants des dernières années.
La « mémoire » de l’obésité
Le développement d’une obésité s’accompagne d’altérations dans certains tissus et cellules qui persistent même après une perte de poids. De telles altérations ont notamment été décrites
dans le système immunitaire et dans le tissu adipeux, maintenant ce dernier dans un état d’inflammation de bas-grade associé à l’obésité.
Côté adipocytes, des
travaux publiés dans Nature en 2024 ont révélé la
mémoire « épigénétique » [1]
des adipocytes du tissu adipeux blanc chez la souris : des modifications de l’expression des gènes (activations ou inhibitions) se mettent en place au cours de la prise de poids initiale des animaux. Ces modifications sont liées à des
changements épigénétiques stables (modifications d’histones…)
qui persistent après la perte de poids.
L’existence d’une
mémoire immunitaire est également mise en évidence : certains
médiateurs immunitaires, activés par un premier cycle de prise puis perte de poids, persisteraient dans les tissus – immunitaires (ex. moelle osseuse) ou adipeux – et cette empreinte immunitaire seraient impliquée dans la reprise de poids. Avec toutefois des rôles antagonistes des différents médiateurs : les lymphocytes T de type CD4+ semble stimuler la reprise de poids tandis que les monocytes CD7+ l’inhiberaient.
Le rôle du microbiote
L’obésité est associée à une signature spécifique du microbiote, en termes d’espèces microbiennes présentes mais aussi de
fonctionnalités métaboliques associées, impliquées dans la régulation du poids (récolte d’énergie à partir des résidus alimentaires, régulation de l’appétit, stockage des graisses, etc.). Dans ce contexte,
l’hypothèse d’un rôle du microbiote dans la reprise de poids est avancée, mais reste aujourd’hui essentiellement portée par des études d’observation. Par exemple, une étude chez des femmes atteintes d’obésité morbide ayant subi une chirurgie bariatrique a révélé
des différences marquées entre le microbiote de celles ayant repris du poids et celles ayant maintenu un poids stable. Côté interventions, un
essai de transplantation de microbiote (récolté au plus fort de la perte de poids dans le cadre d’un programme de perte de poids) pour limiter la reprise de poids ultérieure a montré des effets mitigés, dépendant du type de régime amaigrissant suivi par les sujets.
La perte de masse maigre
Une plus grande proportion de masse maigre perdue au cours de la perte de poids est également
suspectée de donner lieu à une reprise de poids plus importante, soit en diminuant la dépense énergétique, soit en déclenchant une augmentation de l’appétit. Toutefois, l’association n’est pas observée de façon systématique. Quoiqu’il en soit,
veiller à préserver la masse maigre en cas de perte de poids reste de mise.
Le contrôle de l’appétit
Le rôle des mécanismes de contrôle de l'appétit dans la reprise de poids reste
peu documenté. Les données sur modèles de rongeurs suggèrent que l’activité de l’
hypothalamus, largement impliqué dans la régulation de la prise alimentaire, est
modifiée en cas de perte de poids et que ces modifications perdurent après l’arrêt de la restriction calorique et stimulent la faim.
Les
prochaines années de recherche seront décisives pour mettre sur pied des études ad hoc permettant d’entériner (ou non) et de préciser les différentes pistes mécanistiques évoquées, notamment via des études d’intervention chez l’Homme visant à limiter la reprise de poids :
1/ étudiant les
réponses physiologiques cellulaires et moléculaires ;
2/ distinguant les
effets spécifiques de la perte de poids et du déficit énergétique ;
3/ adoptant des
approches analytiques individualisées.
[1] Les
processus épigénétiques correspondent aux modifications chimiques qui régulent l’expression des gènes, sans changement de séquence sur l’ADN (méthylation de l’ADN, acétylation des histones, restructuration de la chromatine…)