Les nudges, des incitations simples et efficaces pour améliorer les choix alimentaires des consommateurs

Avril 2022

Alors que les interventions explicites visant à améliorer les choix alimentaires des consommateurs (ex : campagnes de sensibilisation…) peuvent générer des résistances comportementales, les techniques plus implicites (ou « nudges ») ne rencontrent pas ce problème, et suscitent ainsi l’intérêt chez les chercheurs. Pour faire le point sur les nombreuses études déjà publiées, une équipe australienne a entrepris une revue, en se concentrant sur les interventions implicites ciblant un objet particulier : les menus présentés aux consommateurs quand ils mangent à l’extérieur ou commandent à emporter.

À l’heure où les applications mobiles permettant de commander en ligne se multiplient, les consommateurs sont de plus en plus exposés à ces outils de communication et de publicité. En outre, les établissements proposant des menus (comme les fast-foods) seraient associés à des choix nutritionnels moins favorables. D’où l’intérêt d’étudier leur rôle potentiel pour améliorer l’alimentation des consommateurs.

Six types de nudges analysés

Grâce à un travail de recherche systématique dans plusieurs bases de données, les chercheurs ont identifié 23 études individuelles s’étant penchées sur les effets de nudges ciblant les menus (présentés, selon les études, en format traditionnel imprimé, ou en format électronique sur écran) sur les choix des consommateurs. Six types de nudges ont été analysés :  

1. Nudges de placement : Les études d’interventions consistant à faire varier l’emplacement des options « saines » (i.e. favorables au plan nutritionnel) étaient les plus nombreuses (n=10). Si la plupart rapportaient un effet (placement en haut versus en bas de la page, à gauche versus à droite), celui-ci variait selon les études, ne permettant pas de tirer de conclusions transversales sur la question du placement. À noter toutefois, le placement d’une option « saine » en haut de page dans les menus consultés en ligne pourrait s’avérer particulièrement efficace, les consommateurs n’ayant pas à faire défiler le menu vers le bas pour tomber dessus.  
   
2. Nudges de type « Option par défaut » : Les nudges consistant à faire de l’option saine l’option par défaut proposée au client (ex : légumes versus frites en accompagnement d’un plat) se révélaient efficaces pour orienter les choix des consommateurs dans toutes les études (n=7), mais pas nécessairement leurs consommations réelles. De plus, les consommateurs auraient tendance à ne pas retourner dans les établissements mettant en œuvre de telles pratiques. 
   
3. Nudges de conditionnement : Dans deux études, les nudges exposant les participants à des images pendant leur consultation du menu (ex : panier de fruits et légumes en première page, visage d’une personne en surpoids) conduisaient à des choix nutritionnels plus favorables.
   
4. Nudges dits « de ratio » : Le fait d’augmenter la proportion d’option « saines » dans les menus favorisait « en moyenne » les choix de tels aliments dans deux études, mais seulement dans certains établissements.
   
5. Nudges d’appellation : Des nudges jouant sur l’intitulé des plats étaient testés dans trois études, mais seul l’ajout d’une mention « recommandation du chef » permettait de guider les consommateurs vers des choix nutritionnellement plus favorables. Les auteurs notent que l’inefficacité des autres intitulés pourrait tenir de leur formulation trop connotée « santé » (ex : « succulentes coquilles Saint-Jacques délicatement cuites à la vapeur »).
   
6. Nudge de signalétique :  Enfin, la seule intervention ayant tenté d’augmenter la taille de la police de caractère des aliments sains sur les menus s’est révélée sans effet. 

Des incitations simples, souvent efficaces

Ces données suggèrent que les interventions implicites ciblant les menus sont souvent efficaces pour orienter les choix des consommateurs. Les nudges de placement et d’options par défaut semblent à la fois les plus étudiés et les plus efficaces, bien qu’il soit difficile de généraliser les effets des premiers et que les seconds puissent avoir des effets contreproductifs (évitement). D’autres nudges encore trop peu étudiés pourraient aussi se révéler porteurs. Les auteurs relèvent que les effets rapportés ici corroborent ceux observés pour des nudges ciblant non pas les menus, mais les aliments eux-mêmes et leur présentation (disposition sur un buffet, taille des contenants, des portions servies, etc.), dans des contextes variés (cantines, supermarchés…).

Enfin, de telles interventions implicites sont généralement simples à mettre en place et, contrairement à certaines interventions explicites (ex : taxes…), sont peu susceptibles d’affecter les ventes totales, facilitant l’adhésion et l’implication des opérateurs commerciaux.