26 janvier 2018
SugarLand est sorti en salle mercredi 24 Janvier, nous sommes allés voir le film et voici notre critique de glycophile !
Sugarland est à l’évidence moins caricatural que son homologue SupersizeMe, tout au moins dans l’expérience que s’impose l’acteur-personnage. L’australien Damon Gameau va en effet suivre pendant 2 mois un régime alimentaire très particulier, incluant l’équivalent de 40 cuillères de sucre par jour.
Détail important, toutes les sources de sucres qu’il va consommer ne sont pas du chocolat ou des confiseries mais des aliments qui, selon ses termes, sont « réputés sains », du type müesli, smoothies, pur jus, boissons pour sportifs, produits laitiers frais 0%, etc.
Bon, le choix de ces 40 cuillères équivalent-sucre par jour n’est pas très clair. On ne comprend pas bien s’il s’agira de tous les sucres apportés par son alimentation ou bien de ce qu’il consommera en dehors des sucres des fruits et légumes ou du lactose du lait. Mais toujours est-il que cela correspond à 160 g par jour soit près de 30 % de ses apports caloriques estimés, c’est effectivement énorme. Pour rappel, l’OMS recommande de ne pas dépasser 10% de ses apports caloriques sous forme de sucres libres.
160 g par jour, ce n’est d’ailleurs pas la consommation moyenne Australienne, comme il a été dit dans de nombreux articles[1].
En revanche, côté définition des sucres, c’est bien vu et l’humoriste anglais Stephen Fry fait le show pour introduire saccharose, glucose, fructose et autres sirops de glucose issus de l’amidon.
Un exemple de son « régime » spécial sucres : il démarre chaque matin avec un petit déjeuner composé d’un (très) grand verre de jus de pommes (400 ml soit 40 g de sucres naturellement présents), 100 g de céréales complètes (soit 2 fois et demi la portion conseillée, 20 g de sucres) et un gros pot de yaourt ou un lait aromatisé. Total estimé de 80 g de sucres soit déjà 20 cuillères !
Il ne s’agit pas d’une expérience « scientifique » car son estimation des calories réellement consommées et l’évaluation de ses dépenses en activité physique sont loin d’être rigoureuses, comme il le reconnaît lui-même. C’est compensé par une mise en scène plutôt originale de ses consommations et des informations sur les teneurs en sucres des aliments.
Parmi les experts interrogés par Damon Gameau, on compte Barry Popkin, Kelly Brownell, Kimber Stanhope, John Sievenpieper, des chercheurs spécialistes de physiologie, de nutrition et de l’obésité, connus et reconnus pour leurs publications dans des revues scientifiques internationales. Mais certains sont un peu insolites, à l’image de Kathleen DesMaisons, présidente de la communauté Radiant Recovery et auteure de livres sur le bien-être (Potatoes Not Prozac, The Sugar Addict’s Total Recovery Program). Ou encore Tom Campbell, retraité de la NASA, physicien de formation et auteur de My Big T.O.E. (Theory of Everything), David (Avocado) Wolfe, qui se définit comme un expert « alternatif » en santé et beauté naturelles.
Ils ont en revanche un point commun : ils sont tous résolument contre le(s) sucre(s) ou le fructose sauf un, John Sievenpiper, qui reconnait avoir reçu un financement d’un fabricant de boissons. Bon, c’est le jeu et le choix de l’auteur.
Au-delà des mises en scènes plaisantes de Damon Gameau qui suit (difficilement) son écœurant régime, la seconde moitié du film bascule dans beaucoup d’images déjà vues montrant les excès et les ravages de la malbouffe à l’américaine. Marketing et publicité massives, frénésie consommatoire, une charge contre la puissance de l’industrie alimentaire aux Etats-Unis.
Là où c’est vraiment « too much » : l’épisode du dentiste et du jeune Larry, 17 ans, aux dents rongées par les caries à force de siroter ses 12 canettes de sodas quotidiennes ! Était-ce bien utile de s’attarder longuement et en gros plan sur l’extraction de ses dents, avec en prime une anesthésie qui ne fait pas effet ?
Finalement, le protocole du régime de Damon Gameau manque de rigueur, mais ce n’était probablement pas l’enjeu d’une telle expérience personnelle.
Le film n’apporte rien de nouveau au plan scientifique mais permet une prise de conscience sur les conséquences d’une consommation très excessive. Cependant, le message aurait gagné à plus de nuances sur la manière d’apprendre ou réapprendre à mieux consommer, sans forcément entrer en guerre contre tous les produits sucrés. Il y a de la place, sans aucun doute, pour quelques petits plaisirs sucrés, car l’alimentation doit rester un plaisir.