Septembre 2024
Le sucre, bien plus qu'un simple produit sucrant, se révèle être un véritable couteau suisse en pâtisserie, offrant une panoplie de propriétés souvent insoupçonnées.
Découvrez dans cette vidéo captivante les propriétés du sucre présentées par une équipe scientifique de l’Université de technologie Compiègne (UTC).
Le sucre apporte sa saveur sucrée
La saveur sucrée est la caractéristique première du sucre que nous utilisons au quotidien pour sucrer les boissons chaudes, les salades de fruit, et qui joue un rôle clé dans de nombreuses recettes : desserts, confiseries, boissons sucrées, glaces, sorbets… Le sucré, qui fait partie des saveurs perçues par nos sens lors de la dégustation, contribue au profil sensoriel global de l’aliment. Il est ainsi la saveur dominante des aliments sucrés.
D’autre part, il interagit avec d’autres saveurs ou sensations, par exemple en adoucissant l’acidité de la rhubarbe ou d’un yaourt, en réduisant l’amertume du café, du cacao. De même, en cuisine, il corrige l’acidité d’une sauce tomate ou l’amertume des endives. Enfin, le sucre peut favoriser l’intensité des arômes perçus. La fraise et la menthe sont, notamment, très sensibles à cette propriété dite « d’exhausteur de goût ».
Le sucre est un ingrédient texturant
Passons à présent en cuisine, et commençons par confectionner une simple meringue, avec des blancs d’œufs et du sucre. Le blanc d’œuf est constitué à 90 % d’eau et à 10 % de protéines. Lorsqu’on le bat au fouet, il se forme des bulles d’air autour desquelles les protéines s’agglomèrent en formant un film. On obtient déjà une jolie mousse mais, hélas, très fragile. Lorsqu’on y ajoute du sucre, ses cristaux renforcent l’incorporation d’air pendant le battage des blancs. Puis, une partie du sucre se dissout et stabilise le film entourant les bulles. Enfin, le sucre protège la structure des protéines pendant la cuisson. Grâce à ces actions conjuguées, les meringues gardent leur aspect aérien et ne retombent pas. Il en va de même pour les autres recettes qui nécessitent une étape de foisonnement : mousses, génoises, boudoirs…
Les propriétés structurantes du sucre opèrent également dans toutes les pâtes : tartes, biscuits, gâteaux… Si le rôle structurant de l’amidon (présent dans les farines) est déterminant, le sucre intervient aussi en tant que concurrent car les deux molécules se disputent l’eau disponible. La teneur en sucre permet alors de moduler le résultat à différents niveaux : étalement de la pâte, souplesse, densité, friabilité, croustillance… D’où la si grande importance en pâtisserie de bien respecter les proportions d’ingrédients recommandées pour chaque recette. Les professionnels vont même jusqu’à les observer au gramme près !
Le sucre donne des couleurs et des arômes appétissants
Il est temps de sortir nos biscuits du four. Chacun(e) connaît ce plaisir visuel et olfactif intense, ce moment sans équivalent. Si nos biscuits sont aussi bien dorés c’est parce que le sucre, pendant la cuisson, participe à des réactions biochimiques complexes avec les autres ingrédients qui génèrent des composés colorés et odorants. La première est appelée « réaction de Maillard », du nom du chimiste qui a en expliqué le processus, Camille Maillard (1878-1936). Sous l’action de la chaleur et en présence de sucres, les composants des protéines (acides aminés) brunissent et donnent naissance à des molécules aromatiques. La réaction se produit lors de la cuisson de nos biscuits, du pain, lors de la torréfaction des fèves de cacao… mais aussi lorsque l’on fait rôtir un poulet car il suffit d’une infime quantité de sucres (naturellement présents ou ajoutés) pour la déclencher.
Parallèlement il peut se produire une autre réaction, celle-ci plus familière aux pâtissiers amateurs : la caramélisation. Elle implique uniquement les sucres et produit ses propres composés colorants et aromatiques. La fonction aromatique du caramel est particulièrement riche car il contient une soixantaine de composés volatiles porteurs d’arôme. Reste qu’en pratique, les deux catégories de réactions sont souvent concomitantes et imbriquées pendant la cuisson. Là encore, celle-ci doit être maîtrisée en durée et en intensité afin qu’elle ne débouche pas sur l’aspect et l’odeur de brûlé qui signent une recette ratée !
Le sucre est un conservateur naturel
Depuis des siècles, le sucre est utilisé pour conserver les fruits sous forme de confitures, de gelées ou de fruits confits. Si nos confitures constituées exclusivement de fruit et de sucre peuvent patienter plusieurs années dans le placard c’est uniquement grâce au sucre s’il est ajouté en quantité suffisante.
En effet, lors de la cuisson, les fruits perdent leur eau. Celle-ci dissout le sucre dont les molécules se lient aux molécules d’eau, ce qui les rend indisponibles au développement de micro-organismes (moisissures, bactéries). On utilise aussi ce mode de conservation pour les sirops, les pâtes de fruits ou les fruits confits. Tout comme il y a plus de 2000 ans…
Le sucre permet la fermentation
Tout aussi ancestrale que la conservation, la fermentation est une fonction du sucre dont on trouve des traces en Inde, dans des textes remontant à 4000 ans. Mais revenons au présent et à notre cuisine. Au menu : une brioche que l’on espère moelleuse et bien aérée. C’est pourquoi on ajoute de la levure qui, en association avec le sucre, va faire gonfler la pâte. Le principe est simple : les levures sont des organismes vivants qui ont besoin de sucres pour se développer. Elles se nourrissent des sucres présents dans la farine et, surtout, du sucre ajouté à la préparation. En échange, elles vont relâcher des molécules de gaz carbonique, qui produisent des bulles, et d’alcool (qui s’évaporeront à la cuisson). Après quelques heures, la pâte aura doublé de volume.
Ce principe appelé « fermentation » est utilisé pour faire mousser la bière et les vins effervescents et, surtout, pour produire de l’alcool éthylique aux débouchés divers : boissons alcoolisées, parfums, gels hydroalcooliques, bioéthanol carburant… Le sucre contenu dans les jus, mélasses et autres produits issus de l’industrie sucrière est utilisé comme substrat de fermentation pour les levures qui vont préparer le « distillat » à être envoyé dans les colonnes de distillation.
Le sucre soulage
Tous les bébés du monde partagent une attirance innée pour la saveur sucrée. Elle procure un plaisir qui atténue les pleurs et le rythme cardiaque du bébé, elle calme aussi les douleurs. C’est pourquoi certains pédiatres donnent un peu d’eau sucrée aux jeunes enfants avant de les vacciner : cela contribue à les détendre et à moins appréhender la piqûre.
Par ailleurs, certaines études ont montré qu’un apport raisonné en sucre, pendant ou après le repas du soir et dans le cadre d’une alimentation équilibrée, favoriserait l’endormissement et la qualité de sommeil. (Voir notre article à ce sujet) Enfin, le plaisir sucré est universellement reconnu comme une source de réconfort, pour les adultes comme chez les plus jeunes.
Pourquoi le sucre-est-il aussi polyvalent ?
Ainsi que l’explique Mirian Kubo, enseignante-chercheuse à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), « le sucre-saccharose est un glucide constitué de deux molécules, le glucose et le fructose, dont la combinaison est intéressante et explique les multiples propriétés du sucre. Par exemple, lors de la fermentation, les levures utiliseront plutôt le glucose et, dans une moindre mesure le fructose. À l’inverse, la saveur sucrée du sucre sera "boostée" par le fructose dont le pouvoir sucrant est très supérieur à celui du glucose. Bien sûr, d’autres glucides peuvent avoir une ou plusieurs propriétés du sucre, mais celui-ci a le double avantage d’en cumuler beaucoup et d’être facilement accessible. Enfin la caramélisation, obtenue par cuisson à forte température, est une propriété exclusive du sucre. »
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