Mars 2024
L’effet de la consommation de sucres sur la fonction cognitive est mal connu, d’autant qu’il semble dépendre du type de sucres, des processus cognitifs (mémoire, fonctions exécutives[1] , vitesse de traitement, etc.), et du délai considéré. Une équipe de chercheurs a souhaité clarifier cette relation à travers une revue systématique de la littérature. Pour cela, elle a analysé 77 études explorant l’association, à court ou à long terme, entre la consommation de sucres libres[2] ou ajoutés[3] , et différentes mesures de la fonction cognitive.
Les effets délétères d’une consommation chronique
Au total, neuf études transversales et trois études de cohorte menées chez les adultes ou les enfants (6 aux Etats-Unis, 4 en Asie et 2 en Europe) ont évalué l’association entre la consommation usuelle de sucres libres ou ajoutés et la fonction cognitive. La majorité de ces études ont montré qu’une surconsommation chronique de sucres (sucres ajoutés totaux, boissons contenant des sucres ajoutés, et fructose total chez l’adulte) était associée à des scores plus faibles de fonction cognitive globale, des fonctions exécutives et de mémoire. Ces résultats étaient indépendants de l'apport énergétique total.
Au contraire, les études menées chez des enfants exclusivement ont mis en évidence une association positive entre la consommation de fructose total ou celle de fruits ou de jus de fruits et la fonction cognitive globale.
Selon les auteurs, ces résultats contradictoires pourraient s’expliquer par des différences de régime alimentaire : chez l’adulte consommant un régime occidental[4] , les principales sources de fructose sont le saccharose[5] ajouté aux aliments et aux boissons et le sirop de maïs à haute teneur en fructose que l'on trouve notamment dans les sodas. A l’inverse, les jeunes enfants sont plus susceptibles de consommer du fructose sous forme de fruits et de jus. Cependant, les auteurs soulignent que l’effet observé chez les enfants pourrait aussi être lié aux autres composants des fruits et jus (vitamines et minéraux…).
Les auteurs rappellent la nécessité de mener de nouvelles études de cohortes à grande échelle afin de clarifier l’effet des facteurs de confusion potentiels (sources de sucres, apports d'autres nutriments, exercice physique…).
Un apport optimal nécessaire à court terme
Les chercheurs ont également identifié et analysé 65 études expérimentales (menées principalement en Europe et en Amérique du Nord) évaluant l'impact immédiat (à 10-15 min) du glucose sur la fonction cognitive. La majorité de ces études ont révélé un effet bénéfique sur les tests de mémoire, d'attention et de vitesse de traitement, tout particulièrement chez les participants évalués à jeun.
Autre résultat ressortant d’une partie de ces études : les individus ayant une moins bonne capacité de régulation de la glycémie avaient de moindres performances cognitives. Pour rappel, le glucose est la principale source d'énergie du cerveau. Celui-ci utilise environ 20 % de l'énergie dérivée du glucose pour fonctionner (fonction neuronale, production d'ATP, maintenance cellulaire, synthèse des neurotransmetteurs, etc.). Ainsi, une glycémie naturellement bien régulée par l’organisme pourrait être nécessaire pour une fonction cognitive normale.
Les auteurs regrettent l’absence d’études d’intervention évaluant l’effet des sucres à plus long terme (plusieurs semaines ou mois) sur les fonctions cognitives. Par ailleurs, l’effet à court terme des autres types de sucres a été très peu étudié.
[1] Les fonctions exécutives regroupent l'ensemble des mécanismes mentaux qui nous permettent de contrôler nos pensées, nos actions et nos émotions.
[2] Sucres libres : sucres ajoutés dans les aliments et boissons et sucres naturellement présents dans les jus de fruits.
[3] Sucres ajoutés : sucres ajoutés dans les aliments et boissons
[4] caractérisé par des apports élevés de produits céréaliers raffinés, viande rouge et transformée, boissons et produits sucrés, aliments frits, etc.
[5] Le saccharose est composé à parts égales de glucose et de fructose