Mars 2025
Chaque mois de mars, la campagne Mars Bleu [1] sensibilise au dépistage et à la prévention du cancer colorectal, 3e cancer le plus fréquent dans le monde. Si certains facteurs modifiables sont déjà pointés dans les recommandations internationales de prévention, avec des niveaux de preuve plus ou moins forts, une étude épidémiologique d’ampleur vient entériner les principaux facteurs alimentaires associés au cancer colorectal, en démêlant certaines redondances entre eux. L’occasion de réviser sur les repères de prévention autour d’une étude des plus récentes.
97 facteurs alimentaires testés chez un demi-million de femmes britanniques
La force de l’étude réside notamment dans l’analyse simultanée des liens entre
une centaine de facteurs alimentaires et nutritionnels, et le risque de cancer colorectal, rendue possible par la taille de l’échantillon de l’étude : plus de 500 000 femmes issues de la cohorte britannique
Million Women (60 ans en moyenne), suivies pendant 16 ans, ont pu être incluses dans l’analyse. Les chercheurs ont pris soin de contrôler le risque de « fausse découverte » – c’est-à-dire d’association jugée à tort comme significative –, lié à la multiplication des tests statistiques réalisés pour étudier les 97 facteurs testés.
Parmi ces facteurs, 17 se sont révélés associés à un risque accru ou réduit de développer la maladie en première approche. Toutefois, par un jeu d’ajustements successifs, les chercheurs montrent que certaines de ces associations reflètent en fait une même association Que retenir au final ?
L'alcool et la viande rouge et transformée mis en cause
Concernant les facteurs augmentant le risque de cancer colorectal, les résultats confirment des données précédemment observées dans d’autres cohortes européennes :
la consommation d'alcool d’une part, de viande rouge et/ou transformée d’autre part, augmentent le risque de cancer colorectal. Ces conclusions sont cohérentes avec les classements du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), qui considère l'alcool et la viande transformée comme cancérogènes pour l'homme.
Pour chaque augmentation de la consommation de 20 g d'alcool par jour (soit environ deux verres standard), le risque de cancer colorectal augmente de 15 %. De même, une augmentation de 30 g de viande rouge et/ou viande transformée par jour entraîne un accroissement du risque de 8 % (soit + 29 % de risque pour chaque 100 g supplémentaires) [2].
Le rôle protecteur du calcium et des produits laitiers
Concernant les facteurs protecteurs, l’étude met en évidence le rôle du
calcium alimentaire. Une augmentation de 300 mg par jour (l'équivalent d'un bol de lait) est associée à une diminution de 17 % du risque de cancer colorectal. Le calcium expliquerait en grande partie les relations bénéfiques observées pour différents groupes de produits laitiers. Entre autres mécanismes, cette protection pourrait être liée à la capacité du calcium à
se lier aux acides biliaires et aux acides gras libres dans le côlon, réduisant ainsi leur potentiel cancérogène. Les produits laitiers, riches en calcium, semblent donc jouer un rôle bénéfique dans la prévention de cette maladie.
D’autres aliments potentiellement protecteurs : fruits, fibres et céréales complètes
Les
fruits et les céréales complètes ressortent également comme associés à une réduction du risque de cancer colorectal. L’effet serait lié aux
fibres et à leur rôle dans le transit intestinal, ainsi qu'à la présence de
composés antioxydants et anti-inflammatoires. Cependant, ces
associations sont plus faibles que celles observées pour le calcium ou l’alcool.
A noter enfin, des risques réduits de cancer colorectal apparaissant en lien avec d’autres consommations alimentaires (céréales de petit-déjeuner, glucides, sucres totaux) mais ne résistent pas aux ajustements statistiques, suggérant que ces relations pourraient en réalité résulter d'autres facteurs alimentaires ou du mode de vie général.
[1] Ligue contre le cancer, Mars Bleu, le mois du cancer colorectal
[2] On peut regretter que les chercheurs aient considéré ici viande rouge et viande transformée ensemble, compte tenu des résultats divergents de la littérature et des niveaux de preuve différents établis par le WCRF vis-à-vis de leur rôle dans le développement du cancer colorectal (convaincant pour les premières, probable pour les secondes).