Octobre 2023
« Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin, à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. » Le texte de Proust rappelle combien les souvenirs activés par les sens, en particulier l'odorat et le goût – deux sens entremêlés dans la notion de flaveur –, peuvent être parmi les plus puissants. À travers une revue, des chercheurs apportent un éclairage scientifique à ce phénomène et envisagent les pistes thérapeutiques qui pourraient en découler.
Les nostalgies olfactives et gustatives
Selon leurs conclusions, les odeurs font puissamment remonter les souvenirs autobiographiques, de manière bien plus intense que la vue ou les autres sens, engendrant souvent une nostalgie associée. Les souvenirs olfactifs, qui concernent souvent les 10 premières années de vie, sont plus émotionnels, comprennent des détails plus pertinents, et transportent davantage que les souvenirs visuels.
La recherche s'est également penchée sur l'autre face de la médaille proustienne : la nostalgie gustative, qui dépasse d’ailleurs la seule dégustation des aliments puisqu’elle peut être évoquée simplement par la lecture de livres de cuisine.
Le potentiel curatif des senteurs et saveurs
Or, certaines études suggèrent que ces deux nostalgies pourraient être bonnes pour la santé. Les odeurs (poudre pour bébé, parfum Chanel n°5, épices d’une tarte à la citrouille aux USA) ou les saveurs très nostalgiques (purée de carottes, ratatouille dans le film éponyme), notamment les plus familières, stimulent des fonctions psychologiques liées à soi (augmentation de l'estime de soi), à l'existentialité (sens donné à la vie plus élevé) et à la sociabilité (renforcement des liens sociaux). Ainsi, la seule odeur d’un chewing-gum susciterait une forte réaction nostalgique liée à l'enfance, qui conduirait à une meilleure estime de soi, à une meilleure connexion sociale et à l’inspiration.
Le marketing a su tirer parti de ces découvertes pour influencer nos achats. La pratique médicale, et notamment psychologique, elle, commence à s’y atteler : à travers la réalité virtuelle olfactive (RVO), certains patients sont déjà progressivement exposés à des parfums similaires à ceux de souvenirs traumatiques lors de leur prise en charge. Mais quid de tirer également bénéfice de cet « effet Proust » sur l'estime de soi ou les liens sociaux pour aider dans la guérison de certains patients ? Quid d’envisager le potentiel de ces « madeleines » pour des interventions thérapeutiques ? Comment équilibrer le bénéfice de la nostalgie suscitée par certains aliments et le risque d’une consommation excessive ? Autant de sujets à creuser pour aider les individus à bénéficier de cette nostalgie sensorielle pour une alimentation plus saine.
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