Mars 2025
Si les nudges – ces incitateurs discrets, subtilement introduits dans notre environnement pour orienter nos choix – ont montré une certaine efficacité pour améliorer certains comportements alimentaires, il en existe de nombreux types : messages écrits, musique d’ambiance, images… Des chercheurs australiens se sont intéressés à l’efficacité de nudges 100 % visuels, introduits dans l’environnement de consommation, tels que des images d’aliments plus ou moins favorables à la santé (fruits et légumes, ou a contrario, junk food), apposées sur un menu ou affichées à proximité d’un buffet/d’un étal. Les chercheurs ont ainsi entrepris une revue systématique des études ayant eu recours à ce type de nudge et ont tâché d’identifier les facteurs à même de moduler leur efficacité, comme les caractéristiques des individus ou le contexte de consommation.
Les nudges visuels, à même d’influencer les comportements
Les chercheurs ont recensé 66 études. La compilation des résultats dans une méta-analyse montre dans l’ensemble une certaine efficacité des nudges visuels à influencer les comportements de consommation, bien que dans une faible mesure. En particulier, les nudges montrant des images d’aliments sains augmentaient les choix d’aliments favorables à la santé ; et inversement pour les images d’aliments peu favorables à la santé, qui augmentaient les choix de tels aliments.
À la recherche des facteurs modulant l’efficacité des nudges
Derrière ces grandes tendances, les chercheurs ont identifié des facteurs modulateurs de l’efficacité des nudges, qui relèvent (1) des caractéristiques du nudge, (2) des caractéristiques des individus, et (3) des types de comportements étudiés.
1. Pour ce qui est des caractéristiques des nudges, on peut notamment citer l’effet du moment de présentation du nudge : les images d’aliments « sains » introduites en amont du choix augmentaient les consommations d’aliments « sains », tandis que les images positionnées au moment du choix (par exemple sur les pages d’un menu) réduisaient ces consommations.
2. Parmi les facteurs individuels, le statut pondéral pourrait faire varier la direction de l’effet du nudge : dans certaines études, des images d’aliments peu favorables à la santé semblent inciter des sujets en surpoids à ce type de consommation, tandis qu’elles dissuadent les consommateurs normo-pondéraux. Cet effet est toutefois loin d’être retrouvé dans toutes les études… d’autres méta-analyses sur les nudges en général (par exemple lors de commandes d’aliments en ligne) montrent au contraire des effets positifs des nudges plus marqués en cas d’IMC plus élevé.
Les chercheurs suspectent en outre une sensibilité spécifique des mangeurs restreints (i.e. qui ont tendance à vouloir limiter leur consommation de certains aliments, pour des raisons de santé, de contrôle du poids…) aux effets des nudges visuels, par rapport aux mangeurs non restreints. Autre facteur entrant en jeu : l’âge des sujets, avec des améliorations des comportements mesurées dans les populations d’enfants, mais pas d’adultes, sous l’effet de certains nudges visuels. En revanche, le genre n’apparaissait pas comme un facteur modulant l’effet des nudges visuels, en dépit de ses effets communément rapportés par ailleurs, sur les comportements des consommateurs en général.
3. Quant aux types de comportements étudiés, là encore, les résultats diffèrent selon l’indicateur examiné : des effets différents peuvent être observés sur les consommations réelles/effectives versus les choix déclarés/hypothétiques. Ainsi, des images d’aliments considérés comme peu sains tendaient à augmenter leurs consommations réelles mais à réduire les choix théoriques de tels aliments. Interprétation des chercheurs ? Il se pourrait que dans une situation hypothétique sans conséquences immédiates, les nudges déclenchent un processus plus réfléchi et soucieux de la santé, alors que dans une situation réelle de consommation, les comportements peuvent être plus automatiques. Quoi qu’il en soit, ces résultats invitent à la prudence quant à l’interprétation d’études portant sur des indicateurs indirects, mesurés en laboratoire, par rapport aux études mesurant les consommations en situation réelle (soit seulement 20 % des études recensées dans cette revue systématique).
Ainsi, bien que les nudges visuels aient un réel potentiel pour influencer positivement les comportements alimentaires en complément de politiques de santé publique, les chercheurs soulignent la nécessité de poursuivre les recherches afin d’identifier les facteurs modulant leur efficacité ainsi que les stratégies les plus adaptées en fonction des profils de consommateurs et des contextes de consommation.