Septembre 2022
Enseignant, co-fondateur du site 750g.com, auteur culinaire et restaurateur, Damien Duquesne – alias Chef Damien – s’est donné pour mission de « mettre la cuisine à la portée de toutes et tous ». Son amour du fait-maison l’a même conduit à créer sa propre gamme de sodas... Mais au-delà du métier, il porte une vision citoyenne et responsable de la cuisine qu’il s’applique à mettre en œuvre au sein de son restaurant.
Vous avez été, avec le site 750g.com, un pionnier de la cuisine personnifiée sur Internet. Quelle en est l’origine ?
Lorsque j’étais professeur de cuisine au lycée hôtelier de Soissons, je partageais avec d’autres profs et professionnels le désir de démocratiser la cuisine en s’inspirant de grands chefs – dont Raymond Oliver pour qui j’ai une grande admiration – qui sont allés à la rencontre du public. Ils utilisaient les médias pour transmettre leur passion et rendre accessible l’art culinaire. Une figure qui incarne une cuisine libérée et démystifiée est un très bon moyen de mettre la cuisine à la portée de tout un chacun. C’est sur cette idée que nous avons créé, en 2006, le site 750g. Le fait qu’il soit animé par deux personnages – Chef Christophe et Chef Damien – nous distinguait des sites de recettes qui étaient alors tous anonymes. Le succès de 750g a encouragé de nouveaux publics à s’emparer du fait maison et a contribué à l’explosion de la « cuisine personnifiée » sur les médias numériques. Nous avons ensuite lancé le Salon du Blog culinaire pour permettre à tous ces acteurs émergents de se réunir et de se rapprocher physiquement du public. Il y avait une dynamique incroyable : on y réalisait plus de 300 démos et ateliers en un week-end !
Vous considérez-vous comme un influenceur ?
Je me vois plutôt comme un formateur, un accompagnateur... À la différence d’un influenceur qui tend à passer des messages commerciaux, je me consacre simplement à transmettre des savoir-faire. Rien ne me fait plus plaisir qu’on me dise « j’ai appris avec toi ». La vidéo est un support idéal, et comme Internet n’a pas de frontière, des cuisiniers amateurs du monde entier m’envoient des messages pour me dire qu’ils se sont initiés avec nos vidéos. L’ouverture du restaurant 750g La Table, en 2015 à Paris, a été une nouvelle étape dans cette volonté de partage avec le public.
Au-delà de la cuisine, le restaurant est-il un espace propice au partage de valeurs sociétales ?
En effet. Notre démarche repose sur des valeurs qui devraient être la règle de base en restauration : offrir une cuisine faite maison, créative et authentique, à un prix abordable, raisonnable en termes de qualité nutritionnelle et d’empreinte écologique. Je suis convaincu que la restauration a un « rôle politique » à jouer. Tout comme les consommateurs font des choix de société à travers leurs achats alimentaires, nos approvisionnements orientent le modèle que nous voulons défendre. Concrètement, cela passe avant tout – et autant que possible – par des produits de proximité, bio et de saison. Par exemple, tout le sucre utilisé pour nos desserts et boissons est du sucre de betterave bio produit en France par une sucrerie située à moins de 200 km de Paris. Ensuite, tous les contenants sont réutilisables ou recyclables. Tous les déchets sont triés, et les déchets organiques compostés. On ne jette pas l’eau des fonds de carafes : elle sert à arroser les plantes. Et chaque jour on se demande sur quel point on pourrait encore s’améliorer...
Vos clients sont-ils sensibles à cette approche écoresponsable ?
Au restaurant, la vérité est dans l’assiette ! Mais il est vrai que plus on est vertueux mieux on est récompensé. Les clients apprécient et en témoignent, mais nous ne communiquons pas spécialement sur ces thèmes. Ils perçoivent très bien notre démarche et nous n’avons pas besoin d’en faire des tonnes pour leur expliquer. Il en va de même pour les autres engagements citoyens qui nous tiennent à cœur. Nous ne prenons pas de réservations pour limiter l’usage du téléphone, nous employons des étudiants toute l’année, nous menons des actions de solidarité, nous préparons les repas d’une cantine scolaire du quartier avec qui nous avons un partenariat. C’est formidable de proposer au quotidien une cuisine d’éveil et de qualité à des enfants de Maternelle qui sont à l’âge des découvertes alimentaires... Cela peut étonner certains mais, finalement, on fait juste ce qui est normal !
Comment est venue l’idée de créer vos propres boissons rafraîchissantes ?
Un jour je me suis aperçu que je cherchais à faire une cuisine bonne pour la planète... mais que je vendais des sodas qui généraient des bouteilles en plastique et du transport. J’ai donc décidé de réinventer mon offre de boissons rafraîchissantes. Conformément à nos principes, elles sont toutes confectionnées maison avec des ingrédients bios et dotés d’une identité locale, par exemple à partir de plantes sauvages d’Auvergne ou des Alpes. Nous avons déjà huit recettes, dont un cola et un spritz sans alcool. La valeur ajoutée de cette offre est reconnue par les consommateurs, et nos ventes ont bondi de +287 % par rapport à nos anciennes ventes de sodas conventionnels. C’est donc un modèle à la fois militant et économiquement viable. Depuis juin 2022, nous les proposons à d’autres restaurateurs sous forme de préparations à diluer. Le succès rencontré par ces boissons nous a permis de nous engager auprès de la sucrerie qui nous fournit sur 48 tonnes de sucre de betterave bio pour la campagne 2022-2023...
Quel est votre point de vue sur le sucre et quels sont les desserts emblématiques de votre établissement ?
J’ai toujours milité contre les excès, dans un sens comme dans l’autre. Autrement dit, je suis autant un fan de sucre que de modération ! L’idée de supprimer le sucre dans le dessert est une aberration. Encore plus si c’est pour le remplacer par des édulcorants ou des additifs. Le sucre est un produit naturel qui a toujours eu sa place dans l’alimentation, et tous les desserts demandent du sucre. Il faut l’utiliser pour ses qualités et en justes proportions, comme un assaisonnement. Par exemple, lorsque je mets des fruits dans une crème brûlée, je peux diminuer le sucre... mais vous imaginez la crème brûlée sans sa croûte de caramel ? Là encore, notre approche semble plaire aux consommateurs car 750g La Table enregistre un taux de prise de dessert très supérieur à la moyenne ! Avec en tête des classiques revisités à notre manière : l’île flottante, notre gâteau au chocolat-fèves tonka à partager et notre crème diplomate accompagnée d’une glace et de fruits de saison...