mars 2021
Le sucre et les édulcorants procurent un goût sucré au niveau de la langue. Pourtant, des souris privées de leurs récepteurs gustatifs à la saveur sucrée sont encore capables de distinguer le sucre des édulcorants ou de l’eau. Cependant, en cas de bypass (intestin grêle contourné), cette capacité à identifier le glucose disparait. Ainsi, on savait que la clé de cette différence se situe au niveau du duodénum, mais les mécanismes en jeu restaient obscurs.
Une récente publication américaine lève le voile en identifiant le siège de cette distinction : les cellules neuropodes sécrétrices de cholécystokinine (CCK). Leur particularité ? Ces cellules peuvent non seulement communiquer par hormones interposées, mais aussi former des synapses et donc communiquer en quelques millisecondes avec le cerveau, via le nerf vague.
L’implication des cellules neuropodes confirmée
Cette identification est l’aboutissement de plusieurs séries d’expériences. Les premières ont confirmé que le nerf vague répondait à la présence de différents sucres (saccharose, glucose, fructose, galactose) mais aussi d’édulcorants injectés au niveau de duodénum de souris.
Étape suivante : confirmer que la réponse vagale repose sur les cellules neuropodes duodénales. Chose faite notamment chez des souris génétiquement modifiées chez lesquelles ces cellules peuvent être activées/désactivées via une lumière de longueur d’onde spécifique. Et effectivement, en présence de sucres ou édulcorants, un courant n’est mesuré au niveau du nerf vague que si les cellules neuropodes sont activées.
Une distinction reposant sur des récepteurs membranaires
Restait à savoir comment se faisait la distinction entre sucres et édulcorants. Les chercheurs y sont parvenus en bloquant successivement différents récepteurs, chez la souris et in vitro dans des organoïdes humains. Bilan : le glucose du saccharose est pris en charge par le récepteur intestinal SGLT 1 (Sodium Glucose Like transporter 1) et induit la libération de glutamate. De leur côté, les édulcorants activent le récepteur T1R3 (Taste receptor type 1 member 3) induisant une libération d'ATP. Autrement dit, à des stimulus nutritionnels différents (sucre ou édulcorant) correspondent des récepteurs différents (SGLT1 ou T1R3) et des neurotransmetteurs différents (glutamate ou ATP)… et in fine la stimulation de populations distinctes de neurones afférents du nerf vague.
Une autre expérience montre que, entre sucre ou édulcorants, des souris témoins optent pour le sucre plus de 9 fois sur 10... contre seulement un peu plus d’1 fois sur 2 chez des souris dont les cellules neuropodes sont désactivées, et qui ont alors du mal à discerner le sucre des édulcorants. Ainsi, comme le résume le Pr. Diego Bohórquez, qui a dirigé ces travaux : "Le sucre a à la fois un goût et une valeur nutritive et l'intestin est capable d'identifier les deux".