Interview de Dominique Braoudé, Président d’OCAPIAT

« Développer les compétences pour sécuriser les emplois au sein des secteurs agricoles et industriels. »

Interview de Dominique Braoudé, Président d’OCAPIAT

Avril 2022

Directeur des affaires sociales et de la formation professionnelle du Syndicat national des fabricants de sucre (SNFS), Dominique Braoudé occupe également la présidence tournante de l’organisme « opérateur de compétences » OCAPIAT.1 Pour Grain de sucre, il explique le rôle de ces acteurs de la formation professionnelle peu connus du grand public mais indispensables aux filières agro-industrielles.

Quel est le rôle d’un « opérateur de compétences » tel qu’OCAPIAT ?

OPCAPIAT est l’un des onze Opérateurs de compétences (OPCO) créés dans le cadre de la « Loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». C’est une réforme en profondeur du système de formation professionnelle et de l’alternance qui instaure notamment une vision en « filières », depuis l’amont (par exemple, l’agriculture pour les filières agro-industrielles) jusqu’à la transformation, la commercialisation et la logistique.

L’opérateur de compétences a pour vocation d’accompagner les branches professionnelles, entreprises et salariés d’un périmètre sectoriel défini. Celui d’OCAPIAT couvre l’agriculture, la coopération agricole, les industries alimentaires, le monde de la pêche et de la mer, les acteurs des territoires (Maisons Familiales Rurales, chambres d’agriculture, Crédit agricole, Groupama...). Ce qui représente un périmètre extrêmement étendu, comme en témoignent ces quelques chiffres : 50 branches professionnelles, 179 000 entreprises et 1,3 million de salariés concernés, 211 000 actions de formation engagées en 2021 et 1,1 milliard de fonds à gérer !

Quelles missions exercez-vous auprès de ces acteurs ?

OCAPIAT apporte un service global et de proximité aux branches comme à leurs adhérents, qui sont à 98 % des entreprises de moins de 50 salariés. Nous les aidons à définir et déployer leurs politiques de formation et de « Gestion prévisionnelle des compétences » (GPEC), nous finançons les actions de formation, accompagnons les entreprises dans leurs projets, soutenons le développement de l’alternance et assurons la promotion des systèmes de formation auprès de tous les publics concernés. L’objectif qui oriente toutes ces actions est de développer les compétences au plus près des besoins des acteurs économiques et de sécuriser les parcours professionnels des salariés pour les aider à rester dans l’emploi tout au long de leur vie professionnelle.

Lors du dernier Salon international de l’agriculture, vous avez signé avec vos ministres de tutelle² une charte en faveur de l’emploi du secteur alimentaire. Quel en est l’objet ?

Il s’agit en réalité d’un avenant à la « Charte emploi alimentaire » du 18 mai 2020 qui en élargit le périmètre aux acteurs agricoles et territoriaux ainsi qu’au secteur de la pêche, des cultures marines et des coopératives maritimes. Cette Charte définit quatre domaines à très forts enjeux, identifiés comme pertinents pour l’avenir du secteur agroalimentaire et sur lesquels nous nous engageons à renforcer notre action. Il s’agit de la transformation numérique, de la transformation écologique et énergétique, de la performance logistique et de l’adaptation aux évolutions des habitudes de consommation.

Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, lors de la signature de la Charte emploi alimentaire.

Nous allons procéder à l’analyse des besoins, qui sont immenses dans chaque domaine, et nous aiderons les entreprises à mettre en place les outils d’accompagnement adaptés : développement de la GPEC, évolution des formations, passerelles, parcours qualifiants... Mais l’un de nos objectifs parmi les plus importants est d’améliorer l’attractivité des branches et filières afin qu’elles puissent attirer les compétences dont elles ont besoin !

La formation professionnelle peut-elle faciliter le recrutement des secteurs sous tension, notamment dans l’industrie alimentaire ?

Le déficit d’attractivité est un frein auquel sont confrontées toutes les filières agro-industrielles, mais l’agri-bashing et le food-bashing ont encore plus impacté l’agroalimentaire. Parallèlement, la place du travail dans la société a considérablement évolué. Pour les jeunes générations, le métier n’est plus au centre de la vie. Ils souhaitent mieux équilibrer vie professionnelle et vie personnelle. Cette dimension n’a pas assez été prise en compte. Nous allons conduire des études pour aider les branches et entreprises à mieux comprendre les attentes des jeunes et à développer leur « marque employeur ».

La formation est aussi un levier efficace. Nous allons faire évoluer les Certificats de qualification professionnels (CQP) vers un système plus modulaire, constitué de « blocs de compétences », qui favorisera la transversalité entre secteurs industriels et qui permettra au jeune de s’engager progressivement dans un parcours de formation, d’en franchir les étapes à son propre rythme. Par exemple, un CQP de conducteur d’équipement industriel constituera une première marche vers un CQP spécialisé dans l’industrie alimentaire. Un jeune pourra passer plus facilement d’un site de production automobile à une biscuiterie. Ou encore, un conducteur de chaufferie chez EDF ou dans la marine marchande pourra piloter une chaufferie en sucrerie...

Comment le monde agricole est-il impliqué dans le Charte emploi alimentaire ?

S’il est vrai que l’on a plus de recul sur l’industrie que sur l’agriculture, la vision en filière de la nouvelle Charte nous permet de pleinement réintégrer l’amont agricole dans les dispositifs. La quasi-totalité des actions que nous menons est transposable au monde agricole. L’hygiène et la sécurité alimentaire, l’impact de la numérisation sur la conduite de l’entreprise sont des sujets qui intéressent autant les coopératives agricoles et les agriculteurs, y compris les petites exploitations, que les industries alimentaires. Pour un éleveur, la mise en place d’un système de traite numérique des vaches nécessite d’acquérir des compétences en automatisme et en informatique. De même en ce qui concerne l’agriculture de précision et les outils de pilotage des cultures. À travers les filières et les relais régionaux des EDEC (Engagements de développement de l’emploi et des compétences, ndlr), nous mettons nos conseillers  et nos moyens à la disposition des agriculteurs et de la coopération agricole.

Qu’en est-il au niveau des sucreries et distilleries ?

L’industrie sucrière est un secteur à très haut niveau de qualification. Aujourd’hui, on y embauche des électromécaniciens ou des chaudronniers au niveau Bac+2, puis l’entreprise se charge de les former à leur « deuxième » métier, celui de sucrier. (voir notre article sur les spécificités de l’emploi en sucrerie, ndlr) Les actions de formation les plus visibles sont les CQP, dont le CQP Conducteur de process en sucrerie et distillerie. En 2021, 29 de ces certificats ont été délivrés : rapporté aux effectifs de la filière, c’est un très bon indicateur. En encourageant la montée en compétences, cette industrie dote ses salariés d’acquis qui peuvent être valorisés dans d’autres secteurs.

Cela contribue à assurer l’employabilité des salariés et, surtout, les performances de l’entreprise grâce à des collaborateurs plus compétents, plus impliqués et motivés. Il suffit de visiter une sucrerie ou une distillerie et d’échanger avec les opérateurs pour s’en convaincre : l’attachement à ce métier si particulier et le sentiment de fierté sont bien réels et largement partagés ! La formation professionnelle et le développement des compétences contribuent ainsi à un « cercle vertueux » bénéfique à l’entreprise, aux salariés, à l’image de la filière et, plus globalement, à l’emploi industriel.



1. Cette interview a été réalisée en mars 2022, en fin de mandat de M. Braoudé.
2. Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Annick Girardin, ministre de la Mer.

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