Avril 2025Directrice de l’association Restau’Co, Marie-Cécile Rollin évoque l’univers de la restauration collective en gestion directe et la place qu’y occupe le dessert. Son point de vue est complété par celui d’un acteur de la restauration collective concédée qui confirme l’importance de la note sucrée de fin de repas.
La restauration collective sert plus de 3 milliards de repas par an, ce qui représente un flux de 10 millions de convives chaque jour... soit l’équivalent de la population du Portugal. Le secteur emploie 300 000 personnes au sein de 81 500 établissements : santé-social (47 %), éducation (40 %), entreprises, administrations et autres (13 %). L’établissement ou la collectivité territoriale peut choisir d’opérer soi-même la restauration (gestion directe), soit de confier la prestation à une entreprise spécialisée (gestion sous contrat ou concédée).
Quels sont les apports du réseau Restau’Co aux acteurs de la restauration collective ?
Restau’Co fédère les professionnels et métiers [1] de la restauration collective en gestion directe qui reste, en France, le modèle prédominant avec environ 60 % des repas servis. Nous les représentons auprès des instances de tutelle et des acteurs de l’alimentation, notamment les filières agricoles. Au-delà de la défense des intérêts de ce secteur, nous avons une mission de valorisation de la restauration collective et de ses métiers. Le concours Gargantua qui, depuis 1989, distingue chaque année la meilleure équipe en cuisine collective de France est, à ce titre, devenu un événement de référence. En outre, nous avons lancé, en 2014, un rendez-vous dédié : le Salon Restau’Co, qui fêtera cette année sa 10e édition [2].
En aval, nous apportons notre expertise à tous les acteurs et nous les accompagnons dans la mise en application des réglementations et recommandations ainsi que dans l’amélioration des pratiques. Notre organisation en réseau national interprofessionnel nous permet de toucher chaque maillon. De manière concrète, nos actions passent par l’information, la mise en place de dispositifs expérimentaux et par la formation, domaine dans lequel Restau’Co bénéficie de la certification Qualiopi [3].
La restauration collective est au croisement d’enjeux sociétaux majeurs : santé, nutrition, solidarité, développement durable... Comment s’adapte-t-elle aux nouvelles attentes ?
Depuis plusieurs années, la notion de responsabilité sociale et sociétale est devenue un axe de progrès déterminant. Les champs d’action sont multiples : lutte contre le gaspillage, baisse des consommations énergétiques, valorisation des territoires de production, rationalisation des approvisionnements (origine, proximité), authenticité des pratiques culinaires (« cuisine maison »), accueil et bien-être des convives... Pour accélérer le mouvement et entraîner les restaurants dans une dynamique globale d’alimentation saine et durable nous avons co-créé, en 2016, avec la Fondation pour la Nature et l’Homme, la démarche « Mon Restau Responsable® ». Celle-ci permet aux gestionnaires de dresser un état des lieux RSE [4] de leur restaurant, de définir leurs engagements (à réaliser sous deux ans) et de faire connaître ces axes de progrès auprès du public et des parties prenantes. Mon Restau Responsable® est un « système participatif de garantie » (SPG) qui apporte une reconnaissance en termes d’assurance qualité et d’ancrage local.
À quels autres défis le secteur est-il confronté ?
La Loi Egalim [5] a fixé des objectifs élevés à la restauration collective. Ils sont quasiment atteints dans le secteur scolaire, par exemple avec l’intégration de produis bio, locaux et de menus végétariens, mais il reste du chemin à parcourir dans la santé et le médico-social. Nous travaillons à identifier les leviers d’amélioration, notamment en nous appuyant sur l’expérimentation « Repas à l’hôpital » que nous avons initiée en 2019 dans trois établissements pilotes. Dans ce secteur, l’enjeu est pour nous d’intégrer le repas comme un élément du soin.
La place du dessert a-t-elle évolué ?
Le dessert est une composante du repas indissociable des valeurs de partage, de réconfort et de « moment pour soi » que porte la restauration collective. Dans l’univers de la gestion directe, la tendance est à la fabrication intégrale du dessert sur place, en privilégiant des recettes simples et authentiques dont les équipes de cuisine maîtrisent parfaitement les techniques. Une crème aux œufs, une tarte aux pommes, une île flottante ou un fondant au chocolat font toujours plaisir aux convives !
L’évolution la plus significative réside dans l’idée de mettre le dessert au service d’objectifs nutritionnels spécifiques. Par exemple, en restauration scolaire, les menus sans viande ni poisson peuvent être complétés par un dessert intégrant des légumineuses, qui sont une source de protéines. Notamment les haricots rouges qui se marient bien avec le sucré. Cette approche a également fait ses preuves dans l’alimentation des seniors où elle est utilisée en première ligne avant de recourir aux compléments alimentaires. Ainsi, les établissements concernés utilisent les pâtisseries comme vecteurs de nutriments à travers les ingrédients mis en œuvre : produits laitiers, fruits, chocolat, légumineuses... Que l’objectif soit de cultiver le plaisir de manger, d’agir sur les apports nutritionnels ou tout simplement de s’offrir un moment de bien-être, le dessert reste une valeur sûre pour la restauration collective.
La restauration collective à l’heure de la transition alimentaire
Acteur majeur de la restauration collective en gestion sous contrat, Sodexo intervient sur 4000 sites en France, tous segments confondus. En tant que directeur du pôle Culinaire de Sodexo France, Hervé Morillon pilote l’intégralité de l’offre des 650 restaurants d’entreprise opérés par Sodexo. Il nous livre un éclairage peu connu sur l’approche et les évolutions du dessert dans ce secteur.
« Le dessert joue toujours un rôle clé dans l’expérience du repas, mais dans l’univers du travail il revêt une fonction particulière car il marque le passage vers une nouvelle séquence de la journée. La dernière touche de plaisir doit être structurée de manière à bien accompagner le retour à l’activité. La notion d’équilibre entre différents paramètres (goût, texture, plaisir, digestibilité...) prend ici tout son sens. La dimension de réconfort est tout aussi importante. Cela est encore plus vrai depuis l’épisode anxiogène du Covid, comme en témoigne le taux de prise du dessert dans nos restaurants qui est passé de 50-60 % à plus de 75 %...
Autre signe de l’importance du dessert, de plus en plus de restaurants positionnent l’offre de desserts au début de la zone de service. Le plaisir final est ce que le convive voit et pose en premier sur son plateau. Côté cuisine, contrairement à des idées préconçues, les desserts sont faits sur place dans chaque restaurant. Les sites importants ont leur chef pâtissier secondé par une équipe dédiée. Quant aux plus petites structures, les équipes de cuisine apportent une touche finale à travers le dressage, en faisant dorer une meringue, en apportant une tuile de chocolat ou des lentilles soufflées façon pop-corn...
Côté nutrition, nous sommes pleinement acteurs de la transition alimentaire. Pour allier gourmandise et équilibre, nous avons une utilisation raisonnée du sucre en nous appuyant, par exemple, sur la saisonnalité et en utilisant des fruits à maturité. Nous sommes également très engagés dans la végétalisation de l’alimentation, y compris au niveau du dessert. Nous pouvons utiliser des farines alternatives riches en protéines (pois chiche) ou encore proposer des lentilles vertes confites... Certaines recettes peuvent sembler disruptives mais nous entrons dans un nouveau monde ! La restauration scolaire y joue un rôle fondamental car c’est dès le plus jeune âge que l’on doit sensibiliser les consommateurs pour les accompagner vers une alimentation adaptée aux enjeux actuels, particulièrement en termes de qualité nutritionnelle et de durabilité. »
[1] Une trentaine de métiers sont impliqués dans la production, l’encadrement et le service des repas en restauration collective.
[2]
Salon Restau’Co, 11 juin 2025, Paris Expo-Porte de Versailles.
[3] Certification délivrée par l’AFNOR qui reconnait la qualité des formations dispensées.
[4] RSE : Responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise.
[5] La loi Egalim du 30 octobre 2018 portant sur l’agriculture et l’alimentation prévoit un ensemble de mesures concernant la restauration collective.
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