De nombreux pays ont établi des recommandations nutritionnelles en matière de glucides (glucides totaux, sucres et fibres). Sont-elles cohérentes entre elles et comment se justifient d’éventuelles différences ?
Une revue d’ampleur s’est attelée à la question à travers l’analyse des rapports d’expertise – disponibles en anglais – de treize organismes de santé publique ayant établi de telles recommandations à l’échelle internationale (OMS…), régionale (Europe, Amérique du Nord…) ou nationale (Allemagne, Royaume-Uni...).
Elle offre un tour d’horizon utile pour comprendre l’origine de différences dans les recommandations nutritionnelles parfois perçues comme cacophoniques et incohérentes par les populations, ce qui peut nuire à leur mise en pratique.
Des différences notables malgré de grandes tendances communes
Première observation : bien que des similarités existent entre les recommandations (nécessité d’un apport relativement élevé en glucides totaux et en fibres et d’un apport limité en sucres), des différences notables doivent être signalées.
À commencer pour les glucides totaux : si la plupart des autorités de santé s’accordent à penser qu’ils devraient représenter environ ou plus de 50 % de l’apport énergétique total (AET), la fourchette des recommandations s’étale tout de même de 40 % pour les plus basses à 55-75 % pour les plus élevées.
A l’origine de ces différences : respectivement, la considération d’un besoin physiologique minimal versus la prévention de certaines maladies.
Quelles maladies cherche-t-on à prévenir ?
Les sucres font aussi l’objet de recommandations spécifiques, bien que le type de sucres considéré (totaux, ajoutés ou libres [ajoutés + naturellement présents dans les jus de fruits]) diffèrent entre les expertises.
Si certaines instances de santé, comme l’EFSA (European Food Safety Agency) en Europe en 2010, estimaient les données insuffisantes pour établir des valeurs maximales chiffrées de consommation de sucres, des rapports plus récents proposent des valeurs supérieures à ne pas dépasser, de 10 % de l’AET, voire 5 %, pour les sucres ajoutés ou libres.
Constat notable : même quand les valeurs proposées par différents organismes se révèlent similaires, les justifications sous-jacentes (quand elles sont spécifiées) ne sont pas nécessairement les mêmes : ainsi l’Organisation Mondiale de la Santé considère les sucres libres associés au risque de surpoids et de caries, mais utilise uniquement l’argument dentaire pour justifier son seuil de 10 %, quand le Royaume-Uni rapporte un risque accru de diabète et de caries, mais fonde essentiellement sa valeur de 5 % sur l’excès d’apport énergétique lié aux sucres libres.
Quant aux Etats-Unis, c’est pour faciliter l’atteinte d’un profil alimentaire plus favorable qu’ils retiennent le plafond de 10 %.
Les recommandations d’apports en fibres ciblent quant à elles généralement des apports supérieurs à 25-30 g/j. Si le bon transit intestinal et la prévention des maladies cardiovasculaires et du diabète constituent les arguments communément considérés par les différentes instances de santé, seules certaines retiennent celui de la prévention du cancer colorectal.
Enfin, l’index glycémique du régime ne fait généralement pas l’objet de recommandations spécifiques, reflétant le manque de maturité de la littérature sur le sujet, bien que certains rapports évoquent parfois des éléments en faveur d’une charge glycémique faible.
Des méthodologies plus systématiques et transparentes
Côté méthodologie, on appréciera l’évolution temporelle positive des stratégies d’élaboration des recommandations nutritionnelles, puisque les rapports les plus récents mettent désormais en place des revues systématiques pour identifier les données disponibles dans la littérature et ne retiennent que les études les plus robustes, comme les études d’intervention et les études d’observation prospectives.
Des critères additionnels d’inclusion (durée minimale de l’étude, etc.) peuvent néanmoins modifier la sélection des études et expliquer des différences dans le corpus d’études retenues. Certains organismes vont même aujourd’hui jusqu’à réaliser leurs propres méta-analyses.
L’appréciation du niveau de preuve, source d’hétérogénéité ?
Enfin, de façon regrettable, l’appréciation de la qualité des études et du niveau de preuve associé n’est pas réalisée ni rapportée de façon homogène entre les différents rapports d’expertise.
Ainsi, lorsqu’un système de gradation est mis en place pour qualifier le niveau de preuve relatif à une association par exemple, il semble parfois difficile pour les organismes de s’y conformer entièrement.
Les convictions personnelles des auteurs ainsi que des considérations d’ordre politique (souci de la réception des messages par la population, etc.) pourraient en effet interférer dès l’étape d’évaluation scientifique.
À noter que cette publication a été coordonnée par The Dietary Carbohydrates Task Force de l’International Life Science Institute (ILSI) – Europe